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Quelles sont les spécificités de l’écriture de Claude Ponti ? Où puis-je trouver de l’information sur ce sujet ?


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    Bibliothèque publique d’information – notre réponse du 13/06/2024.

    Couverture réalisée par Claude Ponti pour Partir en livre 2024
    Couverture réalisée par Claude Ponti pour Partir en livre 2024

    Même si Claude Ponti refuse d’être catégorisé comme écrivain, peintre ou graphiste, il importe de rappeler qu’il a été dessinateur de presse (L’Express, Le Monde.) avant d’être auteur et illustrateur d’album jeunesse. Ses différentes expériences professionnelles antérieures ont façonné au fil des années son style d’écriture. L’album jeunesse représente alors pour lui le format où il exerce le plus librement sa créativité.
    Depuis 1986 et son premier album L’Album d’Adèle, publié chez Gallimard, Claude Ponti ne cesse de travailler la particularité de son style (champs lexicaux, tournures, inventions stylistiques… ) proposant aux jeunes lecteurs des univers loufoques et une expérience de lecture unique.

    Les éléments thématiques récurrents chez Claude Ponti

    • Une atmosphère fantastique qu’on retrouve régulièrement en début d’album avec des personnages malveillants et une situation inquiétante qui suscitent la peur comme l’affreux moche Salétouflaire a enterré la maison de Paloum-Pîm sous son horribileuse vile poussiéreuse étouffante. (Album : L’affreux moche Salétoufaire et les Ouloums-Pims)
      Répétition quelques pages plus tard pour accentuer cette sinistre présence : Les arbres fuient l’horribileuse vile poussière étouffante de l’affreux moche Saétouflaire. S’ils restaient, ils mourraient.
    • La notion d’espace-temps demeure déréglée et non inscrite dans une réalité tangible telle que nous la connaissons. Les repères spatio-temporels fictifs invitent l’enfant-lecteur au lâcher-prise et à envisager davantage de possibilités en dépassant ses limites spatio-temporelles :
      Après avoir marché un moment à droite du nord et trois instants à gauche du sud-est, les Ouloums-Pims… (Album : L’affreux moche Salétoufaire et les Ouloums-Pims) […] Les Zieutilles se dépêchent d’aller voir ce qui se passe dehors plus loin dans les ailleurs d’autre part/grimpent dans les grottes des vieux bébés (Album : L’affreux moche Salétoufaire et les Ouloums-Pims)
      Jour matin tôt, aux environs de l’heure exacte où les poussins dorment encore comme des coussins rêveurs, […] (Album Blaise, Isée et le Tue-Planète)
    • La métamorphose physique ou comment le corps reflète l’élaboration symbolique, la progression de soi face au danger, devant les épreuves morales et physiques : Isée s’en va, avec Tadoramour et l’étoile. Elle traverse un pays étrange où elle et ses amis sont parfois immenses et grands…et parfois minuscules et petits. (Album Mô-namour)
      Ce n’est pas sans rappeler le roman de Lewis Carroll, Les Aventures d’Alice au pays des merveilles, publié en 1865 au sein duquel les non-sens dépassent les réalités géographiques et physiques. 
    • L’importance des lieux comme la maison, le château, l’arbre, le passage souterrain, le vaisseau qui constituent des topos, des lieux récurrents de l’univers de Ponti… un craquement gigantesque, le toit est arraché. Des torrents de pluie s’abattent. Plus rien ne résiste. Les murs se lézardent et s’enfoncent. Les vagues valent les meubles. La fenêtre coule. La chambre est engloutie. (Album La tempête) […] Clarisse se demande si le vent va déraciner la maison. Mais elle ne sait pas exactement ce qu’elle préfère, que la maison s’envole ou qu’elle reste à sa place. (Album La tempête)
    • Des sujets et expériences douloureux comme le rejet, la pauvreté, la mort, la violence ponctuent régulièrement les albums de Ponti par exemple avec le personnage Okilélé qui invente différents stratagèmes pour être accepté par sa famille comme dans l’album L’affreux moche Salétoufaire et les Ouloums-Pims ou encore Isée qui a du mal à reconnaître que son ami Torlémo ne la respecte pas en lui faisant mal lors de leurs différents jeux : Une étoile, qui est tombée de sa douleur, lui dit que Torlémo n’est pas gentil. Isée ne la croit pas et prépare un gâteau à 9 étages et un rez-de-chaussée. Mais l‘étoile insiste : « Ce ne sont pas des marques de plaisir… Que tu as sur le corps, ce sont des marques de douleur. Cela s’appelle des bleus. »
    • L’humour via des formules inattendues comme dans l’album L’Arbre sans fin : Hipollène rétorque au méchant Ortic, qui se jette sur elle en lui disant : « Je n’ai pas peur de toi », la fameuse réplique : « Moi non plus, je n’ai pas peur de moi.»
      Ou encore : « Je m’appelle Isée…et je te tue dans ma vie, je te tue dans mes souvenirs, je te tue dans ton avenir, je te chasse d’eau, je te poubelle, je te hais, je te couche-culotte pleine ! » (Album Mô-namour).
    • L’humour est également présent via l’humanisation du mobilier et des objets comme avec les vrais et les faux Teuilles : « Les faux Teuilles sont faciles à reconnaître : ils ne bougent pas. Les vrais, eux, courent, glissent, dansent, mugissent, et sont capables de sauter en cas de nécessité. » (Album Almanach ouroulboulouck).
      Ou bien la tasse de café qui se promène dans l’album Schmélele et l’Eugénie des larmes.

    Les caractéristiques stylistiques propres à Ponti

    Le style de Ponti se construit particulièrement par la déformation et la création de nouveaux mots ainsi dans l’album Ma Vallée, l’invention du jeu la Balanquette – résulte de la combinaison de balançoire et de banquette.
    Des néologismes peuvent aussi résulter la création de nouveaux verbes par exemple avec le mot-valise composé de 2 verbes énerviriter : énerver + irriter, ou de nouveau nom comme grimasque : grimace + masque.
    Ou un autre verbe construit avec 3 verbes : grognéraléguette = grogner + râle + guette

    Ponti utilise très couramment les listes, les énumérations comme dans Blaise, Isée et le Tue-Planète  : « Ils y mettent de l’eau, du ciel, des pluies, des jardins, des forêts, des rivières, de l’herbe, du vent, des mers, des montagnes, des soleils, des oiseaux…  »

    Les noms à rallonge avec combinaison sont nombreux par exemple les Ouroulboulouck, Torlémo Damourédemorh…

    Ponti reprend aussi des expressions existantes en y ajoutant une touche d’humour pour dédramatiser une situation comme l’accident de voiture d’Isée dans l’album Mô-namour. L’expression voir des étoiles devient voir des étoiles tournantes autour de sa tête [… ] dans l’album Mô-namour.
    Toujours dans le même album, le sens de la narration avec un rythme progressif en 3 cas marquent l’aspect tragique de l’accident.
    3 cases qui amènent à l’annonce de la mort des parents d’Isée :
    Case1/Ses parents montent de plus en plus haut, toujours sans arrêt,
    Case 2/rapetissant, disparaissant. « Ils sont si hauts qu’ils doivent…
    Case 3/… Être mort » pense Isée. Et elle pleure toute penchée. Et sur l’image on voit la tête de Tadoramour (sa poupée ?) rebondir d’une case à l’autre.

    Le pléonasme est fréquemment utilisé chez Ponti pour appuyer l’émotion au cœur de la narration, langage poétique avec l’expression de sentiment comme la tristesse : Il s’est assis, et il a pleuré jusqu’au bout de ses larmes. dans l’Album Sur l’île des Zertes.
    Ou encore dans l’album Schmélele et l’Eugénie des larmes, lorsque la tristesse et la peur gagnent Schmélele : « Il verse une grosse larme, une grosse larme énorme et très mouillée. »

    Autre figure de style régulièrement utilisée par Ponti est l’oxymore, aussi appelé « oxymoron ». Elle réunit des mots de sens opposé, souvent un nom et un adjectif par exemple éléphants nains, l’échelle descendante.

    Pour aller plus loin, les bibliothécaires du service Eurêkoi vous recommandent :  

    La lecture de La Fabrique de Claude Ponti par Adèle de Boucherville, Éditions L’atelier du poisson soluble, 2016.
    Résumé : 
    [… ] Comment Claude Ponti a-t-il construit son œuvre ?
    Quels sont les secrets de création qui président à sa table à dessin ?
    Comment parvient-il à inventer une histoire ?
    L’ouvrage répond à ces questions en explorant à la fois les sources d’inspiration mais aussi la matrice même de l’œuvre.
    L’auteure vous emmène dans le secret de l’atelier, là où se font les livres, pour approcher les lignes de force du processus créatif de Claude Ponti.

    Ponti Foulbazar de Lucie Cauwe, L’école des Loisirs, 2006.
    Extrait : 

    Les noms et les mots bizarres se fabriquent par associations d’idées, de sons, de langues, listes, séries, découpages, brassages, réassemblages, déclinaisons, télescopages, oppositions, court-circuitations, inversions, improvisations, recherches laborieuses (jusqu’à quinze jours pour un mot), logorrhées anarchiques, illuminations, exaspérations. p48-49

    Source : Ponti Foulbazar de Lucie Cauwe, L’école des Loisirs, 2006.
    Résumé :
    Ce petit livre nous entraîne dans l’univers poétique et décalé de Claude Ponticelli, dit Claude Ponti, auteur et illustrateur de livres pour enfants : biographie, témoignages, extraits d’albums, tout y est !

    Article de revue :
    Les mots-valises : des mots malicieux Un exemple en littérature jeunesse de Florence Charles, in Neologica : revue internationale de la néologie, 2011, 5, pp.45-64.

    Article sur le web :
    Claude Ponti sur le fil…  | BnF Essentiels de Yvanne Chenouf, d’après Lire Claude Ponti encore et encore, Editions Être, 2006.

    Biographie et bibliographie de Claude Ponti sur le site de l’École des loisirs.

    À visionner : 

    Claude Ponti : un Art de l’enfance, un film de Thierry Kûbler, Agat film et Cie, 2019. 

    À réécouter :

    Claude Ponti dans Bookmakers, sur Arte Radio. Réalisation : Charlie Marcelet.
    Il voulait être “peintre maudit”, mais il aimait tordre les mots. Claude Ponti, incontournable créateur d’histoires pour enfants, se confie au micro de Richard Gaitet sur Arte Radio.

    Claude Ponti auteur-illustrateur, peintre, dessinateur de presse sur France Radio.

    Conclusion :

    L’objectif principal de Ponti est de s’adresser à un être en devenir et de le considérer comme une personne en train de se construire, donc prête à explorer toutes les inventions. Par le jeu sur le langage, Ponti souhaite faire déborder l’imaginaire, la réflexion et la création linguistique de l’enfant même si cela contrarie les règles orthographiques de la langue française.


    Eurêkoi – Bibliothèque publique d’information


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