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Quelles sont les différences majeures entre les peintures de Georges Braque et de Pablo Picasso ?

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    Bibliothèque publique d’information – notre réponse actualisée le 29/03/2024.

    Picasso et Braque sur fond coloré de collages et oiseaux
    Montage Eurékoi (Bpi) d’après des photos de Freepik et de Wikimedia Commons

    Georges Braque et Pablo Picasso ont eu une carrière artistique extrêmement riche et variée chacun de leur côté. Leurs idées ont fusionné au moment de la création du cubisme, plus précisément entre 1908 et 1914. Pendant cette période, les toiles des peintres se ressemblent tellement que seuls les experts de l’art parviennent à les distinguer. Par la suite, Picasso et Braque empruntent deux trajectoires artistiques distinctes. Quelles sont les différences majeures entre les peintures de Georges Braque et Pablo Picasso ?

    À la période du cubisme, des œuvres quasiment indiscernables

    Malgré des formations et des tempéraments opposés, Braque et Picasso joignent leurs idées dans un véritable dialogue artistique qui aboutit à la création du cubisme.

    « Ils ont reçu des formations très différentes ; Picasso de peintre classique, Braque, comme l’a souligné William Rubin, de « peintre en bâtiment ». Braque est minutieux, Picasso la foudre même. Leurs chemins restent d’abord tout à fait distincts, même si l’on peut déjà percevoir la recherche d’une peinture construite face aux déferlements de couleur pure propres au fauvisme qui marquent le Salon d’automne de 1905. »

    Braque avec Picasso : l’album de l’exposition de Pierre Daix, RMN-Grand Palais, 2013.

    Braque semble avoir montré la voie à Picasso qui a ensuite su innover.
    Ainsi, en 1910, Braque est le premier à abandonner la représentation du paysage pour s’orienter vers la représentation des figures et des natures mortes. En 1911, Braque invente un nouveau vocabulaire en reproduisant des lettres et des chiffres sur toile et sera imité par Picasso. Il introduira aussi du sable ou du carton dans ses compositions.
    De plus, Picasso et Braque vont s’influencer mutuellement. Par exemple, Picasso invente le collage, ce qui donnera à Braque l’idée de créer des papiers collés en 1912, invention que Picasso reprendra ensuite.
    Enfin, on peut dire que Braque, qui est un ancien peintre en bâtiment, maîtrise parfaitement la couleur et s’intéresse aux inventions picturales alors que Picasso est plus porté sur l’exactitude des traits et le dessin, mais leurs personnalités artistiques sont complémentaires et le cubisme donnera à chacun d’eux l’occasion de parachever un travail artistique.

    « Braque et Picasso souhaitent créer un « art impersonnel », non seulement dans le style mais encore, un certain temps, en refusant de signer leurs œuvres. On aboutissait à des œuvres dont l’attribution de paternité était difficile tant elles se ressemblaient. […] Picasso a d’abord été considéré comme le chef de file d’une esthétique dont Braque n’était qu’un suiveur (Apollinaire, Gertrude Stein, Alfred Barr). Puis, dans les années 1970, le rôle de Braque a été réévalué. Il est apparu comme l’inventeur d’un certain nombre de procédés (papiers collés, l’insertion de lettres, l’utilisation de pochoirs et du peigne faux-bois par exemple), repris et magnifiés par Picasso (John Golding, William Rubin). »

    Picasso et Braque : au travail, les cubistes ! par Grégory Carteaux, Journée des doctorants de l’ED 31, 2014 : « Au travail ! », 2017.

    « Ces deux artistes sont les grands fondateurs du cubisme. Les mérites de l’un et de l’autre se confondent si bien qu’ils sont souvent à peine discernables dans l’évolution de l’art nouveau. Tantôt ce fut l’un, tantôt ce fut l’autre, qui prit l’initiative de mettre en pratique dans ses œuvres tel ou tel progrès du nouveau mode d’expression, résultat d’amicales et fraternelles conversations. Le mérite leur revient à tous deux. Tous deux, chacun à sa manière, sont de grands, d’admirables artistes. L’art de Braque est plus calme que l’œuvre nerveuse et torturée de Picasso. Côte à côte, Braque, le Français lucide, et Picasso, le fanatique, le génial Espagnol. »

    Confessions esthétiques de Daniel-Henry Kahnweiler, Les Essais, Gallimard, 1963

    Lors d’un entretien avec l’historienne de l’art Dora Vallier, Georges Braque parle de sa relation avec Picasso comme d’une « cordée en montagne » :

    « À cette époque, j’étais très lié avec Picasso. Malgré nos tempéraments très différents, nous étions guidés par une idée commune… Nous habitions Montmartre, nous nous voyions tous les jours, nous parlions… On s’est dit avec Picasso pendant ces années-là des choses que personne ne se dira plus, des choses que personne ne saurait plus se dire, que personne ne saurait plus comprendre… des choses qui seraient incompréhensibles et qui nous ont donné tant de joie… et cela sera fini avec nous… C’était un peu la cordée en montagne. »

    Georges Braque : père du cubisme, initiateur de l’art contemporain de Armand Israël, Ed. des Catalogues raisonnés, 2013.

    L’évolution du style de Georges Braque, vers une différenciation notable

    Pour résumer le style de Braque, on peut évoquer :

    À partir de 1906 : l’influence du fauvisme qui se caractérise par des surfaces de couleurs aux teintes éclatantes, une simplification des formes et une ébauche de l’abstraction.
    À partir de 1908 : un éclatement des volumes et une légère interruption des lignes ; il s’agit d’un début de rupture avec la vision classique des choses peintes.
    1908-1914 : apparition du cubisme, c’est-à-dire d’une recherche particulière sur la géométrie et les formes représentées ; tous les objets se trouvent divisés et réduits en des formes géométriques simples, souvent des carrés, avec de multiples facettes.
    1918-1939 : Braque utilise un fond noir pour suggérer la profondeur, emploie de larges aplats de couleurs, et réalise une partition des objets et plans qui les éloigne de tout réalisme ; les objets semblent être des accessoires de la composition.
    1934-1945 : Braque réalise de nombreuses peintures d’intérieurs avec importance de la couleur noire pour signifier la sévérité et le dépouillement.
    À partir de 1949 : on notera l’apparition de la thématique de l’oiseau à travers la série consacrée aux Ateliers. Cette thématique sera largement développée à partir de 1952, lorsque Braque peindra Les oiseaux au plafond de la salle Henry II du musée du Louvre.

    Des ressources pour découvrir l’œuvre de Braque en détail

    L’ouvrage Georges Braque : père du cubisme, initiateur de l’art contemporain de Armand Israël, Ed. des Catalogues raisonnés, 2013.
    Résumé : Après une brève histoire de la peinture de la fin du XIXe siècle et un éclairage sur les courants scientifiques ayant influencé le fauvisme et le cubisme, A. Israël retrace le parcours artistique de G. Braque : le fauvisme, le cubisme, la période thématique et celle des métamorphoses, où Braque sélectionne une centaine de ses œuvres pour les traduire en bijoux, sculptures, céramiques, etc.

    L’article Braque Georges (1882-1963) par Dominique Bozo (directeur du Musée national d’art moderne), disponible en ligne sur Encyclopædia Universalis.
    Extrait :

    « La peinture de Braque est en effet une peinture lentement élaborée, dans laquelle la matière travaillée, mêlée, acquiert cet aspect profond et dense qui fait qu’il y a Peinture. Braque opposait la peinture tactile, celle qui est proche du spectateur, qui agit vers lui, à la peinture visuelle qui s’éloigne vers un infini illusionniste. Sans doute à cause de cette relation à la matière, à cause aussi de la nature placide, paysanne et consciencieuse de l’homme, de ses propos moralistes, du caractère méditatif de sa peinture et de son souci des thèmes simples, la critique n’a-t-elle pas toujours su discerner le rôle primordial de Braque dans la révolution cubiste ni l’originalité et la force de son œuvre de maturité ! »

    L’article Rencontre avec Armand Israël, expert de Georges Braque, disponible en ligne sur Magazine Artsper, 08/10/2013.
    Extrait :

    « C’est une belle anecdote racontée par André Breton : Picasso a dit un jour : « Braque, c’est ma femme », et comme il était macho, on comprend que cette phrase signifie « il est sous mes ordres ». Braque, fâché va lui demander des explications et l’autre lui répond : « le cubisme, c’est toi qui l’a crée, tu es la mère du cubisme… Mais qui est ce qui lui a donné la vigueur ? C’est moi ! Donc à nous deux on a fait un enfant : le cubisme ! » »

    L’évolution du style de Pablo Picasso

    Pour résumer le style de Picasso, il faut retenir :

    1901-1904 : Picasso réalise des peintures où la couleur bleue est prédominante. Il s’agit de la « période bleue » avec des thèmes mélancoliques, des représentations liées à la mort, à la vieillesse et à la pauvreté. L’impression de tristesse qui se dégage des œuvres de cette période est liée au suicide de l’ami de Picasso, Carlos Casagemas.
    1904-1906 : on assiste au développement de la « période rose » qui mêle joie et inquiétude existentielle avec des références au zoo, au cirque, au personnage d’Arlequin.
    1902-1909 : l’art africain, et surtout l’art du Congo, influence les créations de Picasso.
    1908-1914 : Picasso participe au mouvement cubiste.
    1916 : Picasso prendra part aux ballets russes de Diaghilev en tant que décorateur.
    À partir de 1925 : Picasso peint des toiles surréalistes. Il s’agit souvent de tableaux violents, représentant des créatures difformes (apparition du personnage du minotaure), des scènes de viol ou de lutte.
    1937 : Picasso réalisera Guernica qui synthétise ses travaux sur l’art nègre, le cubisme et le surréalisme.

    Des ressources pour découvrir l’œuvre de Picasso en détail

    L’ouvrage Picasso : les chefs-d’œuvre de Stéphane Guégan, Edition El viso, 2023.
    Résumé : Bien plus vite qu’on ne l’imagine, Picasso a dominé son époque de son génie multiforme et du bruit qu’il en tira. À sa mort, tous les journaux parleront en choeur du « siècle de Picasso ». Loin de la diabolisation actuelle comme de l’hagiographie d’antan, Stéphane Guégan jette une lumière contrastée sur l’homme, sa vie, ses engagements politiques et son immense corpus. À défaut de pouvoir tout en dire, il importait de dégager des lignes de force ou de faiblesse, d’isoler une continuité esthétique. Stéphane Guégan le fait avec brio dans cet ouvrage illustré de plus de cent chefs-d’oeuvre et de très nombreux documents, qui se lit comme un roman et s’admire comme un somptueux livre d’art.

    La Biographie de Picasso, disponible en ligne sur le site web du Musée Picasso à Paris, revient sur les grandes périodes qui ont marqué la vie de l’artiste.

    Le catalogue publié à l’occasion de l’exposition présentée du 7 mars au 27 août 2023 Célébration Picasso, la collection prend des couleurs ! : direction artistique, Paul Smith de Cécile Debray, Beaux Arts éditions, 2023.
    Résumé : À l’occasion du 50e anniversaire de la mort de l’artiste, survenue le 8 avril 1973, le Musée national Picasso-Paris entend explorer, interroger et partager son œuvre, en donnant à voir la collection, en accueillant le débat et en offrant au public une programmation riche, ouverte et contemporaine. Autant de manières de célébrer une œuvre infiniment vivante.

    Pour aller plus loin

    Vous pouvez consulter l’ouvrage Braque avec Picasso : l’album de l’exposition de Pierre Daix (RMN-Grand Palais, 2013) qui traite de la collaboration artistique entre les deux peintres et de la façon dont ils ont révolutionné la conception de l’art moderne.

    Le site web de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) permet de visionner les archives audiovisuelles suivantes :

    D.H Kahnweiler sur l’amitié entre Georges Braque et Picasso de Jean-Marie Drot avec Daniel Henry Kahnweiler, L’art et les hommes, Office national de radiodiffusion télévision française, 14/02/1960.
    Résumé : Le marchand d’art Daniel-Henry Kahnweiler évoque ici sa rencontre avec Georges Braque en 1907, l’invention conjointe du cubisme par Picasso et Braque à son retour de l’Estaque, ainsi que l’amitié entre les deux artistes qui se termine avec le début de la guerre en 1914. 

    Picasso et Braque à Ceret, extrait de Treize journées dans la vie de Pablo Picasso de Pierre Philippe, 07/09/1999.
    Résumé : Extrait d’un documentaire consacré à Picasso qui relate le séjour à Ceret de Picasso et Braque en 1911. Une compétition artistique s’engage entre les deux hommes qui inventent le cubisme. Commentaire sur des photos et des vues de tableaux, extrait d’un entretien d’archives avec André Malraux, et interview de Pierre Daix sur la comparaison entre les peintures de Braque et de Picasso, leurs ressemblances et leur signes distinctifs.

    Si vous voulez en savoir plus sur la naissance du cubisme, nous vous conseillons l’article Kub, cube, cubisme : Picasso et Braque en 1912 par Maria Elena Versari, Histoire de l’art n°53, 2003, pp. 33-44.


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