Notre réponse du 08/03/2018
Selon Hervé Bleuchot, historien et chargé de recherche au CNRS (Centre national de la Recherche scientifique) :
« Deux tribus se partageaient en 1920 ce qui sera le cercle de Khouribga : les Ouled Bahr el-Kbar au Nord-Est de la ville future, comprennant les Ouled Brahim, les Goufaf et les Béni Ikhlef d’une part ; et les Ouled Bahr es-Sghrar au Sud et à l’Ouest d’autre part, comprennant les Ouled Abdoun, les Fokra, les M’Fassis et les Ouled Azzouz. Ces tribus étaient nomades, vivant un peu de cultures céréalières (blé et surtout orge) mais principalement grâce à un cheptel important de moutons avec lequel il se déplaçaient des Gaadas-des-Abdoun où ils séjournaient jusqu’au printemps, vers les forêts Smaala et Beni-Zemmour au Nord -Est où. ils passaient l’été et une partie de l’automne. Les pasteurs vivaient sous la tente (khalma) ; une faible proportion (5 %) d’habitants vivaient dans des agglomérations (Bou-Jniba, Bou Lanouar), ou plutôt dans quelques maisons près d’un marabout ou d’un puits. »
(…)
« La découverte du phosphate et le choix du site
En 1912 , MM. Combeias et Lamolinerie découvrirent du phosphate dans la région d’El Borouj. Une prospection systématique des plateaux fut entreprise et il apparut qu’un riche gisement existait à l’Ouest d’Oued-Zem . Un dahir du 20/8/1920 créa un « Office chérifien des phosphates » (O.C.P.) qui commença l’exploitation à Khouribga dès mars 1921. Le premier centre fut Bou-Jniba, ou s’installèrent l’administration et les services extérieurs de l’O.C.P. à proximité de la première recette. Mais en 1924 la direction de l’O.C.P. décida d’abandonner BouJniba pour installer près de la côte 791 les services extérieurs et l’administration des mines. L’emplacement choisi fut appelé Khouribga du nom que les nomades lui donnaient. Le mot dérive de la racine : KH, R, B, qui signifie « être percé « . En effet, à cet endroit la surface était percée de trous naturels dus au mode d’érosion particulier des surfaces calcaires. »
Source : Une ville minière marocaine : Khouribga / Bleuchot Hervé. In: Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, N°6, 1969. pp. 29-51.
doi : 10.3406/remmm.1969.1004
L’article Wikipedia consacré à Khourigba s’appuie sur le Mu’ajam al-Wassit pour expliquer l’origine toponymique :
« Le nom de la ville vient, probablement, du mot arabe kharbaqua خربق qui veut dire, d’après les dictionnaires de l’arabe classique, se précipiter dans sa marche, mais aussi couper, morceler. Ce dernier sens renvoie, peut-être, au paysage anarchique des premiers chantiers d’extraction des phosphates. »
Al-Mu’jam Al-Wassit, 4 ed., Caire : 2004, p. 223
Histoire de la fondation de Khourigba :
La Ville fut créée sous le protectorat français afin d’exploiter les phosphates. Voir les articles :
– Toponymie et recomposition territoriale au Maroc : Figures, sens et logiques = Toponymy and Territorial Restructuring in Morocco: Figures, Meaning and Logics / Said Boujrouf et Elmostafa Hassani
En ligne sur OpenEditions.org
– Khouribga, la première ville prolétaire du Maroc / Mohammed Jaabouk – publié le 06/12/2013 sur le site Yabiladi
En ligne sur Yabiladi.com
Pour l’anecdote : « Khou Rigba (le frère de Rigba) »
« On raconte qu’il y a longtemps, dans cette ville qu’on nomme aujourd’hui Khouribga il n’y avait que des mines de phosphates et un bar. Le propriétaire de ce bar était un italien appelé Ribga. Tous les ouvriers allaient boire chez Ribga chaque soir après leur travail. Un jour Ribga est mort et tous ces ouvriers ont commencé à se demander « Où est-ce qu’on va boire maintenant? » Un ouvrier leur dit que le frère de Ribga avait un depôt chez lui. Alors tous contents ils se dirigèrent vers la maison du frère de Ribga en criant: « `end Khou Ribga, `end Khou ribga » (Chez le frère de Ribga !), d’où le nom de ma ville. »
Source : blog le saviez-vous ?
Cordialement,
Eurêkoi – Bibliothèque de l’Institut du monde arabe
Je vous remercie pour toutes ces précisions j’ai 81 ans et je suis née à khouribga et y est vécu 21 ans, j’adore ma ville de naissance rien de plus beau
Avant tout, il est à noter qu’il existe en effet des archives détenues par l’ex-colonisateur et certainement d’autres entre les mains des particuliers ou chez l’état que nous n’avons pu atteindre et dépouiller d’où le caractère incomplet de l’information dont nous disposons, n’en parlons pas des sources partagées entre les autochtones lesquelles différent d’une génération à l’autre.
On peut aussi imputer ces divergences au manque d’enseignement à l’époque voir même l’ignorance des premiers ouvriers de l’office chérifien des phosphates au début du 20ème siècle.
Comme tout habitant de la région j’étais trop intéressé par les récits et anecdotes sur Ouled Abdoune ou Khouribga qui alimentaient nos discussions. Cet intérêt a suscité en moi la curiosité de faire des recherches pour aboutir à une information plus fiable quant à l’appellation de Khouribga.
Nombreux sont ceux ayant donné diverses interprétations quant à l’origine de cette appellation et parfois même des versions dont la charge sarcastique ne passe pas inaperçue.
Parmi ce qui circule localement on trouve notamment les versions ci après largement évoquées par certains à savoir:
1) Khou ribga ; Certains ont attribué ce nom à un juif. Alors plusieurs contes ont été façonnés à ce propos. Parmi les quels il existait un marchand de céréales d’origine juive auprès duquel les habitants auraient l’habitude de se ravitailler en la matière mais une fois celui ci décédé il fut remplacé par son frère et à chaque fois que les clients voulaient lui acheter la même marchandise ils ne cessent de répéter « je vais chez Khou ribga » qui veut dire « frère de Ribga ». Ainsi avec le temps c’est devenu Khouribga.
Cette attribution est peu probable puisqu’à l’époque la seule agglomération qui existait dans la région c’était Souk l’Khmis qui constituait le centre de Mnina et par conséquent le noyau d’Ouled Abdoune et où les commerçants sont groupés.
Pour ceux qui ont tendance à joindre l’appellation à un italien, d’ailleurs c’est encore loin de la vérité car à part les français les seuls commerçants étrangers étaient des grecs ou marocains.
2) Toujours sans sources écrites ni fiables les autochtones racontent comme quoi au début du protectorat la moisson était fort abondante. Et après avoir remis une partie de leurs céréales au makhzen les fellahs leur restaient une partie qu’ils ont stocké dans leurs « Mtamer » (sorte de grenier souterrain).
Ainsi et pour manifester leur joie s’écriaient « kheir bqa » (الخير بقا (
3) Une autre version selon laquelle l’appellation de Khouribga pourrait être d’origine amazighe ne vaut pas plus que les antécédentes sachant que les amazighes commençaient depuis 1923 à investir la région venant du Souss pour travailler à l’OCP pour que ce patronyme puisse être d’une telle origine : IKHRI IBGA / مثقوب امشرك.
Si on se demande pourquoi existe-t-il à ces débuts tant d’amazighes cela est dû à l’instabilité des indigènes dans leur poste d’extraction des phosphates. Car pendant les moissons une partie de la main d’œuvre est ramenée de force par des cavaliers. Ces ouvriers trouvent les journées des moissons plus rémunérées que l’extraction des phosphates. Et par conséquent on a surnommé localement cette période « Aam aoud wa l’aamoud » (Année du cavalier et gourdin).
4) Notant encore qu’au début du protectorat les occupations majeures du maréchal Lyautey et de ses architectes notamment Nicolas Forestier et Henri Prost étaient d’œuvrer pour la création de villes nouvelles au Maroc à aspect européen et bien sûr leur attribuer des noms de personnalités françaises ce qui est le cas de Louis Gentil (El Youssoufia) ville également née grâce à la découverte des phosphates. Pour une raison ou une autre les français ont aussi donnaient à d’autres villages des noms de personnalités françaises tels Sidi Kacem Bir Jdid et Benslimane à qui ils ont attribués respectivement Petit Jean Saint Hubert et Camp Boulhaut (Chavent) etc….
Après la découverte des phosphates en 1917 les français ont vite et juste mentionné le nom « les gisements de Ouled Abdoune » que la ville portera comme nom pendant une décennie.
Faut-il dire que la dénomination de la nouvelle ville (Khouribga) a échappée aux français grâce au climat social qui régnait à l’époque dans la région suite à la découverte des phosphates. Car cet événement à caractère industriel comme fait nouveau dans leurs vies a manifestement bouleversé radicalement les discutions et pensées des tribus locales qui étaient nomades vivant de cultures céréalières et d’élevage des moutons.
5) Nos ancêtres qui ont travaillé dans la mine, générations qui ont apporté leurs forces leurs joies leurs misères et souvent leurs vies pour l’essor industriel et commercial du pays, nous ont raconté qu’au moment de leur embauche et pour les orienter vers le lieu du rassemblement le porion leur a indiqué comme point de repère un terrain accidenté connu d’eux parce qu’en plus de l’état du terrain il y avait de grosses pierres trouées appelées en arabe dialectal « Mkharbag ».
Certes c’est probablement la version la plus plausible parce que l’incident coïncide avec le commencement de l’exploitation des phosphates. Les français ont par la suite utilisé les consonnes gutturales de « M’kharbag » : « Kh_R_B_G » pour en modeler le terme » Khouribga « .
D’ailleurs cette appellation est étroitement liée à la découverte du minerai en ces lieux.
6) Il serait donc raisonnable de prendre en considération l’hypothèse de Mr Hervé BLEUCHOT auteur de « Une ville minière marocaine: Khouribga » (Plus proche de cette dernière [5]) pour la simple raison qu’il avait peut être accès à certains documents officiels y compris les archives de l’époque du protectorat.
A la suite d’un incident grave survenu dans la région vers 1925 (Assassina du caïd Mohamed Driss Cherradi par un mutin en l’occurrence Oueld Izza) le journal « le petit marocain » a évoqué cet incident « Un indigène a tué le caïd de Ouled Abdoune » on remarque bien que le journaliste n’a pas prononcé le nom Khouribga.
D’autre part j’ai parcouru des documents officiels émanant des administrations juridiques d’Oued Zem et établi en juillet 1927, et il n’est nullement mentionné le nom Khouribga.
Ceci dit, le nom Khouribga (d’ailleurs, les lettres en arabe, étant donné l’épellation du mot amazighe, doivent être lues de gauche vers la droite) n’a jailli probablement qu’au début des années trente. En absence des documents officiels, j’ai bon espoir qu’un jour un membre des groupes « les anciens de Khouribga », en dépouillant les archives de leurs parents, nous découvre un des plus anciens documents portant le nom « Khouribga ». Peut être une carte postale, un extrait de naissance, plan,… Car on trouve sur internet plusieurs Européens (surtout les français) qui détiennent avec attachement et adoration des Souvenirs de Khouribga, comme les photos des villas où un membre de sa famille (grand père ou grand mère) est né ou a habité. Là, on peut fixer une date du moins provisoire.
Cela n’empêche que malgré toutes ces interventions et informations le débat reste ouvert pour tout le monde afin d’apporter du nouveau, et ce, jusqu’à l’apparition d’un document incontestable et avec beaucoup d’authenticité qui précise l’origine exacte de cette appellation et mettre ainsi fin à cette polémique.
Je remercie infiniment tous ceux qui par amour pour cette ville Khouribga ont pensé à l’époque de sa genèse de prendre de temps en temps des photos dont la valeur testimoniale demeure inestimable.
Car sans ces photographies il serait difficile d’imaginer comment a eu lieu l’éclosion et la structuration initiale vu que tout a débuté sur le papier blanc des plans architecturaux.
Ces personnes combien formidables nous ont laissé des images de qualité magnifique et impressionnante lesquelles nous ont permis de situer certains évènements sociaux économiques et culturels par rapport au temps.
Personnellement je pense avoir contribué grâce à ce modeste travail et ce pour venir en aide aux générations montantes espérant qu’elles ne connaîtraient pas le même sort que le notre.
Par ailleurs je souhaite vivement qu’un jour les professionnels du monde du cinéma s’intéresseraient à cette importante ville Khouribga dans laquelle se tient par dessus le marché chaque année « le festival du cinéma africain » pour réaliser un travail cinématographique parce qu’il le mérite en temps que premier exportateur mondial de ce riche minerais et en témoignage de l’abnégation de ses habitants pour les risques qu’ils ont connu quant à l’extraction des phosphates.
ZNAIDI DRISS de KHOURIBGA
Bonjour,
Merci de ces compléments d’information.
Vous pouvez également consulter les archives du protectorat conservées au CADN (Inventaire général). Les archives sont sûrement libres d’accès étant donné la période étudiée (1920).
Il existe un inventaire détaillé pour la région de Casablanca qui peut être consulté le site de la Courneuve.
Cordialement.
L’équipe Eurêkoi