Quelle a été la réception critique de la sonate 32 de Beethoven ?
Médiathèque de la Philharmonie de Paris – notre réponse du 01/03/2024.
La sonate 32 de Ludwig van Beethoven comporte un passage très « jazz », ce qui peut surprendre pour l’époque. Quelle fut la réception critique de cette sonate ? Ce passage fut-il commenté, et si oui, comment, ou ignoré ?
La sonate n°32, une œuvre expérimentale
La Sonate pour piano n° 32 en do mineur, Op. 111, de Ludwig van Beethoven, est souvent saluée comme l’une de ses œuvres les plus innovantes et les plus expérimentales. Le passage auquel il est fait référence se trouve dans le deuxième mouvement. France Musique a d’ailleurs consacré en 2021 un bref passage de son émission MAXXI Classique à la sonate 32 opus 111 de Beethoven, mettant en valeur son aspect préfigurateur du jazz :
Du ragtime dans une partition de Beethoven ?, par Max Dozolme, épisode de l’émission en podcast MAXXI Classique, France Musique, 2/06/2021.
Les musiciens n’ont pas attendu le ragtime pour écrire des syncopes. Dans son ultime sonate pour piano, la Sonate n°32 op.111, Beethoven donne à entendre un épisode étonnant, tout en notes syncopées qui pourrait faire penser, de manière anachronique bien sûr à quelques pages de boogie-woogie !
Émission du podcast cité
Les commentaires sur ce passage ont souvent porté sur son caractère improvisé, syncopé et rythmiquement complexe, qui peut rappeler certaines caractéristiques du jazz. Certains critiques ont également souligné la liberté expressive et l’improvisation inhérentes à ce passage, des éléments qui sont souvent associés à l’esthétique du jazz.
Une réception controversée
Toutefois, lors de sa création, la sonate 32 n’a évidemment pas été considérée « jazzy », pour la bonne raison que ce genre musical n’existait pas encore. Stravinsky est apparemment un des premiers à relever ce caractère dans l’œuvre de Beethoven :
Themes and Conclusions, d’Igor Stravinsky, éd. Faber, 1972, p.274.
Il est rejoint par d’autres musiciens interprètes, qui pointent, dans le livret de leur CD, la proximité notamment avec le boogie woogie :
- Mitsuko Uchida dans le livret du CD Beethoven Piano Sonatas, Philips 475 6935, Philips, 2005.
- Jeremy Denk dans Ligeti / Beethoven (booklet), Nonesuch Records, 2012.
Cependant, cette position ne fait pas consensus et a été notamment contestée par Andras Schiff, comme il l’explique dans un podcast pour The Guardian :
Schiff on Beethoven: Part 3. Sonata in C minor, Opus 111, No. 32. At 26 minutes, par András Schiff, podcast sur le site The Guardian, 20/12/2006.
État des recherches menées sur cette réception critique de la sonate n°32
Un important travail sur la réception critique des œuvres de Beethoven par ses contemporains a été entrepris, mais malheureusement uniquement sur la zone germanique :
The Critical Reception of Beethoven’s Compositions by His German Contemporaries, Op. 101 to Op. 111, par Robin Wallace, Center for Beethoven Research Boston University, 2020. (Le texte est en anglais.)
Un travail équivalent sur les contemporains français et anglais ne semble pas avoir été fait. Il devrait toutefois être possible de constituer un corpus à partir de Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF. On peut y explorer notamment les articles du périodique Le Menestrel et de la Revue et Gazette Musicale de Paris. Bien qu’un peu postérieurs à la composition de Beethoven, ils doivent pouvoir représenter l’approche française
Pour approfondir
Voici un article universitaire qui ne traite pas spécifiquement de la sonate 32, mais revient sur la réception critique de Beethoven en France :
Pénétration et réception de l’œuvre de Beethoven en France autour de 1810, par Hervé Audéon, Hervé, Napoleonica, la Revue n°39, 2021, consultable sur la plateforme Cairn.info.
Résumé : Comment Beethoven a-t-il été perçu à ses débuts en France, avant que le mythe ne s’empare du compositeur et qu’il ne devienne un emblème du génie créateur politiquement engagé ? Hervé Audéon revient à la source et s’attache aux premiers témoignages consacrés au musicien à l’époque où il est découvert par les Français, sous le Premier Empire. Au-delà du rétablissement de la véritable image et popularité de l’artiste en France, ses premières éditions musicales puis exécutions et leur réception par leurs auditoires dans le pays sont de précieuses sources pour comprendre qui était réellement Beethoven.
Un article de wikipedia labellisé « article de qualité » se consacre à cette sonate. Il comprend de nombreuses informations sur l’histoire et l’accueil de cette œuvre, ainsi que sa place dans la littérature.