Pourquoi mettons-nous, dans les pays chauds, beaucoup de piments et d’épices dans la nourriture ?

Tas de piments rouges et verts
Photographie de Anoha via Wikimedia Commons

Le piment apparaît comme un incontournable dans les cuisines des régions chaudes. Mais au-delà de la saveur et du piquant, cet amour pour les épices pourrait être bien plus qu’une simple tradition culinaire. Adaptation climatique, propriétés antiseptiques et culture locale : plongeons dans les raisons qui expliquent cette explosion de saveurs ensoleillées.

Le piment une denrée très ancienne

Des archéologues ont réussi à démontrer que le piment était déjà domestiqué et utilisé culinairement par des civilisations méso-américaines il y a près de 8000 ans. A l’état naturel, le piment se développe principalement grâce à la consommation des oiseaux, qui servent le rôle de transmetteur pour disséminer les graines après la digestion. En effet, le piment contient de la capsaïcine qui est désagréable à consommer pour les mammifères (à cause de la sensation de brûlure induite) mais qui ne trouble pas les oiseaux le moins du monde). D’après les biologistes, c’est cette particularité qui a permis aux piments de se développer rapidement sur une large superficie en Amérique du Sud.
D’après le travail des archéologues, le piment serait la plus ancienne plante autogame cultivée en Amérique du Sud (une plante autogame est une plante ou chaque individu possède les deux types de gamètes et se suffit à lui-même pour la reproduction de l’espèce). 

Origine et histoire du piment sur www.epices-roellinger.com

Le piment : un usage traditionnel

L’utilisation du piment dans l’alimentation est millénaire. Selon le magazine Sciences Actualité de la Cité des sciences :
Extrait :

Les piments sont originaires des Amériques, où ils ont été cultivés et utilisés depuis des millénaires par les Arawaks, les Tainos et d’autres groupes autochtones. Ces peuples appréciaient les piments pour leur saveur intense et leur capacité à conserver la nourriture, une caractéristique importante dans les climats chauds. Mais ils utilisaient également les piments pour des rituels médicinaux et spirituels.

Les piments : histoire, propriétés et usages traditionnels sur le site www.herboristerie-yannickbohbot.fr, le 09/04/2024.

Originaire d’Amérique centrale, le piment est importé en Occident par Christophe Colomb vers la fin du XVe siècle. Rapidement il va remplacer une épice médiévale qui était très recherchée pour sa saveur extrêmement piquante : le poivre long.

Poivrons (piment) Phytanthoza-iconographia : image sur Gallica de Johann Wilhelm Weinmann (1683-1741)
Provenance : BnF, département des Estampes et de la photographie, JC 12 FOL

Le pouvoir antibactérien et épices des piments

Plusieurs raisons expliquent pourquoi les épices ou le piment sont plus largement utilisés dans les pays chauds plutôt que dans les pays froids.

En effet, les composés chimiques qui protègent les plantes à épices contre leurs ennemis naturels (chenilles, vers, insectes…) agissent aussi contre les pathogènes qui contaminent les aliments : des bactéries comme Helicobacter pylori, à qui l’on doit l’ulcère de l’estomac, des champignons ou des vers. Une équipe américaine a, en 1998, passé au crible l’action de 43 épices sur une trentaine de bactéries alimentaires. Résultat : l’ail, l’oignon, l’origan et le piment de la Jamaïque sont les « tueurs » les plus efficaces de bactéries (100 %) ; le thym, l’estragon, la cannelle, le clou de girofle, la citronnelle, le laurier, le piment en éliminent, eux, au moins 75 %. Même le persil, la menthe, le poivre ou encore le basilic détruisent entre 30 et 50 % de ces microbes.

Les épices ont-elles des vertus cachées ? par Fiorenza Gracci et Karine Jacquet, science-et-vie.com, le 01/11/2017.

Les épices tels que l’ail, l’oignon, le piment ou encore l’origan, le cumin, le thym ou la cannelle sont des tueurs de bactéries. De la même façon que les plantes à épices se protègent de leurs ennemis naturels, elles protègent aussi les aliments des microbes ou des champignons, tout comme le ferait un réfrigérateur. Les épices précitées peuvent tuer entre 75 et 80% des bactéries grâce à leurs composés chimiques. Ces propriétés sont donc très efficaces dans les pays chauds où la conservation des aliments, notamment la viande, est plus problématique, surtout quand le réfrigérateur n’est pas utilisé.
Plusieurs études scientifiques ont démontré la corrélation nette entre l’utilisation des épices et du piment dans les recettes de cuisine et la température des pays concernés.

Également ces deux articles à ce sujet :

Les épices ont un fort pouvoir antibactérien. Info ou intox? par Alan Vonlanthen, podcastscience.fm, le 15/06/2013
Cuisiner épicé aiderait à éliminer les bactéries de Natalie Levisalles, liberation.fr, le 05/05/1998.


Pour aller plus loin…

Histoire des épices au Moyen Age de Michel Balard, Editions Perrin, 2023.
Résumé :
Une étude mettant en lumière le rôle fondamental des épices dans l’histoire du monde médiéval. De la Chine ou de l’Indonésie, arrivant en Occident par des itinéraires segmentés au sein desquels Arabes et Mongols jouent un rôle majeur avant de passer le relais aux Génois, aux Vénitiens ou aux Catalans installés dans leurs comptoirs d’Orient, elles dessinent une première géopolitique mondiale. ©Electre 2023

Les miscellanées des épices de Éric Birlouez, Éditions Ouest-France, 2016.
Résumé :
Un ouvrage qui offre des informations à picorer et à partager pour le plaisir de découvrir ou redécouvrir l’histoire de la route des épices : ses enjeux économiques, géostratégiques, mais aussi leur nature et leur utilisation pratique…


Eurêkoi – Bibliothèque de l’Institut du monde arabe