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Pourquoi Hawaï a été rattaché aux Etats-Unis ?

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    Bibliothèque publique d’information – notre réponse du 30/03/2019, actualisée le 24/04/2024.

    Levée du drapeau américain lors de la cérémonie d'annexion des États-Unis au Palais ʻIolani, à Honolulu, Hawaï. Les marines américains qui participent à la cérémonie appartiennent à l'USS Philadelphia. Collection : Collection Ray Jerome Baker.
    Photographie de Frank Davey via wikimedia commons

    Le 21 août 1959, Hawaï (Hawaii en anglais) devient le cinquantième État des États-Unis d’Amérique. Pour beaucoup, cette accession au rang d’État s’inscrit dans une évolution logique. En effet, le continent américain et l’archipel entretiennent une étroite relation depuis des décennies. Selon le géographe Christian Huetz de Lemps, Hawaï serait aujourd’hui « le point nodal de l’influence américaine dans le Pacifique et un pont culturel entre l’Orient et l’Occident ». Pour quelles raisons Hawaï a été rattaché aux États-Unis ?

    Quels enjeux autour de l’annexion d’Hawaï ?

    Enjeu économique

    Depuis le XIXe siècle, les richesses naturelles des Hawaï représentent un intérêt majeur pour les États-Unis. Entre 1830 et 1870, l’archipel est d’abord le point de pêche et de relâche privilégié des flottes baleinières américaines. Puis, en 1875, la signature du traité de réciprocité entre les États-Unis et Hawaï favorise la mise en place d’une économie de plantation très puissante.

    « Lorsque l’Amérique eut épuisé les filons d’or de la Californie, le sucre d’Hawaii attira hommes et capitaux. Les planteurs font fortune ; la main d’œuvre afflue des quatre coins du monde : des Chinois, des Japonais, des Philippins, des Portugais avec leurs guitares, les fameux ukulele que l’on a cru depuis hawaïennes. Les champs s’étendent à perte de vue, dans les fertiles vallées. Et par delà ce tapis vert tendre qui ondule sous le vent, sur les premières pentes des reliefs, les étonnants pointillés des champs d’ananas. Oui, depuis le traité de Réciprocité de 1875, le destin des îles est lié au sort de l’Amérique, et par elle, Hawaii entre dans l’économie moderne. Dès 1884, la monnaie d’or américaine avait seule cours pour les paiements de plus de dix dollars ; les poids et mesures étaient ceux des États-Unis ; les neuf-dixièmes des exportations passaient par les États-Unis car le sucre entrait pour 94 % dans ces exportations. »

    Hawaii par Henry Adams, Lettres des Mers du Sud, Société des Océanistes, 2013.

    « L’affirmation définitive du destin américain des Hawaii se traduisit d’abord par le renforcement considérable de la puissance des plantations, avec deux piliers essentiels : la canne à sucre, qui, dès 1931, atteignit le million de tonnes de sucre brut, le dixième de la consommation américaine, et l’ananas pour la fabrication de conserves à partir des années 1910, pour laquelle les Hawaii acquirent un quasi-monopole qui dura jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : les Hawaii fournissaient encore 74 p. 100 de la production mondiale de conserves d’ananas en 1950. »

    HAWAII par Christian Huetz de Lemps, disponible sur Encyclopædia Universalis.

    Ces 30 dernières années, l’économie de plantation s’est effondrée. C’est maintenant le tourisme qui s’affirme comme la principale ressource économique de l’archipel.

    « Les Hawaii sont devenues un des très grands foyers touristiques du monde, avec, en 2005, plus de 7 millions de visiteurs y ayant séjourné au moins une nuit. Ce formidable essor du tourisme a deux causes, en dehors de la séduction insulaire : d’une part, le développement de l’aviation (Honolulu est aujourd’hui au 20e rang des grands aéroports américains, avec 22 millions de passagers en 2005), d’autre part, l’appartenance aux États-Unis, qui fait des Hawaii une destination à l’intérieur du plus grand marché touristique du monde. »

    HAWAII par Christian Huetz de Lemps, disponible sur Encyclopædia Universalis.

    Enjeu géopolitique

    Au XIXe siècle, les États-Unis comprennent que la situation géographique des Hawaï pourrait leur donner un avantage stratégique considérable.

    « Lorsque la guerre hispano-américaine éclata en 1898, le nouveau président William McKinley souhaitait se conférer un avantage stratégique en permettant à la Marine américaine de se ravitailler dans les eaux lointaines. Il tint alors sa promesse électorale d’annexer les îles. »

    Comment des colons blancs ont renversé la dernière reine hawaïenne par Erin Blakemore, National Geographic, 19/05/2021.

    Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’importance stratégique de l’archipel prend une dimension encore plus grande.

    « Le 7 décembre 1941, grande date de l’histoire mondiale, marque aussi un tournant décisif pour l’archipel où se trouve Pearl Harbor. D’aimable annexe tropicale, voire de grande base navale un peu exotique, les Hawaii sont devenues le point nodal de tout l’effort américain contre le Japon, le point de passage obligé des hommes et des navires, la base logistique fondamentale de la reconquête »

    De la primauté des plantations à l’économie de services : l’exemple des Hawaii par Christian Huetz de Lemps, Îles et Archipels, 1987, pp. 361-398.

    Aujourd’hui encore, la position des îles Hawaï représente un enjeu stratégique considérable pour les États-Unis.

    « Du fait de leur situation au cœur même d’un Pacifique nord dont l’importance géopolitique et économique ne cesse de croître, les Hawaii sont devenues véritablement la clef de voûte du système stratégique américain, le siège du haut commandement des forces armées des États-Unis dans le Pacifique, et la base d’une puissante flottille de sous-marins nucléaires. Cette fonction militaire des Hawaii signifie la présence en permanence dans l’archipel de près de 50 000 militaires et autant de membres de leurs familles, le maintien de 20 000 emplois civils dans les arsenaux et les bases, et une injection massive de dollars à tous les niveaux. »

    HAWAII par Christian Huetz de Lemps, disponible sur Encyclopædia Universalis.

    Brève histoire du rattachement d’Hawaï aux États-Unis

    Le pouvoir croissant des haoles dans l’archipel

    Les premiers américains arrivent sur les îles hawaïennes vers 1820. Ce sont des missionnaires protestants qui apportent leurs valeurs religieuses et démocratiques avec eux. Peu après, commerçants et hommes d’affaires commencent à s’installer. L’archipel d’Hawaï est alors gouverné par une monarchie autochtone. Sous l’influence des missionnaires, le roi Kamehameha III prend une série de décisions qui va contribuer à l’avènement de la puissance économique et politique des haoles (terme polynésien désignant les blancs, généralement américains).

    « En 1840, une première constitution hawaïenne établit un Parlement et la liberté religieuse, et garantit le droit de vote à tous les résidents masculins, colons inclus. Mais c’est surtout le décret de 1848, connu sous le nom de Grand Mahele (la Grande Division), qui va marquer un tournant dans l’histoire des îles. […] Deux ans plus tard, le droit à la propriété est reconnu pour tous, sans réserve de nationalité. Les Hawaïens, pour qui le principe même est absurde, ne se soucient guère de cette disposition. Les colons, qui font pression en ce sens depuis des années, s’empressent d’y souscrire. »

    Hawaii, Éd. Ulysse, 2019.

    L’adoption du Mahele constitue « le point de départ dans les décennies suivantes d’un formidable transfert des terres des indigènes aux haoles, américains surtout, avec la constitution de vastes empires fonciers qui servirent de base à la mise en place de la très puissante économie de plantation qui se développa dans le dernier quart du XIXe siècle. » (source : Rois et reines d’Hawaï : les transformations de l’image de la monarchie par Christian Huetz de Lemps, Outre-Mers. Revue d’histoire Année 2010, 366-367, pp. 111-122).

    Sous le règne de Kalakaua, de 1874 à 1891, le pouvoir hawaïen décline lentement au profit des haoles.

    « Nous ne détaillerons pas ici les étapes de la liquidation du pouvoir hawaïen : constitution d’une milice armée purement haoles (1884) qui devient en 1887 le bras d’un groupe séditieux, l’Hawaiian League ; coup de force du 30 juin 1887 imposant au roi un nouveau gouvernement et une nouvelle constitution (surnommée Bayonet constitution). Le roi y perdait la plus grande partie de ses pouvoirs garantis par la constitution de 1862 (le roi règne mais ne gouverne plus). Le droit de vote était élargi aux haoles non citoyens résidant depuis au moins un an dans l’archipel. »

    Rois et reines d’Hawaï : les transformations de l’image de la monarchie par Christian Huetz de Lemps, Outre-Mers. Revue d’histoire Année 2010, 366-367, pp. 111-122).

    Le coup d’État mené par les haoles

    La reine Lili’uokalani, qui succède à Kalakaua, essaie d’imposer une nouvelle Constitution pour restaurer le pouvoir royal. Toutefois, cette tentative échoue. Les haoles, avec l’appui du gouvernement américain, réussissent un coup d’État. C’est la fin de la monarchie.

    « Puis, soutenue par la population, elle tente, en janvier 1893, de faire promulguer une nouvelle Constitution défavorable aux haoles. Immédiatement, un Comité de salut public, rejoint par certains ministres américains, est formé pour s’opposer au projet. Les troupes du navire de guerre américain Boston débarquent sous prétexte de sauvegarder la paix à Honolulu. Le mardi 17 janvier, quelque 500 hommes en armes, membres du Comité de salut public, marchent sur le palais royal. Pour éviter le bain de sang, la reine ordonne à ses troupes de ne pas s’interposer. Lili’uokalani est renversée, la monarchie, abolie, et un gouvernement provisoire de quatre membres, colons américains influents, mis en place. »

    Hawaii, Éd. Ulysse, 2019.

    Proclamation de la République d’Hawaï et annexion par les États-Unis

    À la suite du coup d’État, la République d’Hawaï est proclamée en 1893. Immédiatement, les insurgés demandent l’annexion aux États-Unis. Mais, ce n’est qu’en 1898 que les îles hawaïennes sont rattachées aux États-Unis.

    « Même si le gouvernement américain refusa dans un premier temps l’annexion des Hawaii que lui proposaient les insurgés, ceux-ci attendirent simplement un changement politique sur le continent en instaurant une république (1893-1898). La victoire à Washington des républicains et le déclenchement de la guerre contre l’Espagne, qui mettait en valeur l’importance stratégique des Hawaii dans le Pacifique, leur donnèrent raison, et, en 1898, les Hawaii devenaient un territoire des États-Unis, administré pour l’essentiel par le Congrès de Washington et par un gouverneur nommé par le président. »

    HAWAII par Christian Huetz de Lemps, disponible sur Encyclopædia Universalis.

    Une annexion encore contestée aujourd’hui

    L’annexion de 1898 par les États-Unis continue d’être contestée. En 1993, les États-Unis reconnaissent le renversement illégal du Royaume d’Hawaï et présentent leurs excuses à la population indigène. Aujourd’hui, des débats sur la souveraineté des Hawaïens persistent tandis qu’ils demeurent le seul peuple indigène des États-Unis à en être dépourvu.

    « Dans les années 1970, les Hawaïens natifs lancèrent un mouvement pour conserver leur langage et leurs pratiques traditionnelles. Cette démarche nourrit le mouvement de souveraineté qui demande encore aujourd’hui la reconnaissance du gouvernement. « Nous sommes une nation indépendante et souveraine », a exprimé le professeur Kealii Holden de l’île Kaua’i lors d’une audience publique sur la question tenue en 2014. « Il existe un groupe de personnes de plus en plus grand qui prennent conscience de la vérité. »

    Comment des colons blancs ont renversé la dernière reine hawaïenne par Erin Blakemore, National Geographic, 19/05/2021.

    Pour plus de précisions sur la contestation de l’annexion de 1898, vous pouvez lire l’article Hawaii, une île occupée par Stéphane Bussard (Le Temps, 08/08/2013).
    Extrait :

    « Bien qu’Hawaii soit devenu le 50e État américain en 1959, des Hawaiiens de souche contestent la légalité de l’annexion du territoire en 1898. L’un d’eux, David Keanu Sai, docteur en droit, a saisi la Cour permanente d’arbitrage et la Cour pénale internationale. »

    Pour aller plus loin…

    Hawaï, colonie américaine : de James Cook à Barack Obama de Christian Huetz de Lemps, éd. Vendémiaire, 2017.
    Résumé : Une histoire d’Hawaï, de la découverte de l’archipel par James Cook en 1778 jusqu’à aujourd’hui en passant par le déclin démographique, l’immigration massive, les mutations économiques, le tourisme, les bouleversements politiques, l’annexion au territoire américain en 1898 ou encore l’attaque de Pearl Harbor.

    Hawaii de Alain Ricard, éd. Karthala, 2003.
    Résumé : Devenu cinquantième État des États-Unis en 1959, Hawaii offre aujourd’hui un étrange mélange de ressources, de modes de vie. Mais sa principale richesse est d’avoir su intégrer sans discrimination trop évidente des cultures et des populations variées. « Colonisation réussie », « Amérique tropicalisée et asiatisée », l’archipel a inventé sa culture à la fois locale et ouverte sur le monde. Un modèle pour le XXIe siècle ?

    Nous vous conseillons le documentaire Hawaï l’Américaine, Invitation au voyage, 2002 (disponible gratuitement sur Arte).
    Résumé : Archipel volcanique isolé dans l’océan Pacifique, Hawaï fait pourtant partie des États-Unis depuis 1959. Lorsque les premiers Américains arrivent à Hawaï, ils découvrent une royauté autochtone renversée à la fin du XIXe siècle : les Kamehameha. Aujourd’hui, les Hawaïens tentent de concilier cette influence américaine et leur désir d’indépendance.


    Eurêkoi – Bibliothèque publique d’information


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