Bibliothèque publique d’information – notre réponse du 28/10/2023.
Scientifiques et apiculteurs tirent depuis quelques années la sonnette d’alarme car le constat est alarmant : entre 60 et 80% de la biomasse des insectes aurait disparu. C’est énorme. Or, indépendamment de l’aspect tragique de la disparition de ces êtres vivants, qu’est-ce que ça implique pour notre avenir ? Les conséquences sont-elles graves, voire dramatiques, ou non ?
Examen des causes de ce phénomène de disparition massive de la biomasse et de ses conséquences pour notre avenir.
Sommaire
Constat et causes d’une disparition très importante de la biomasse des insectes
Conséquences de cette disparition massive de la biomasse des insectes sur notre avenir
Réflexion et propositions de solutions pour enrayer cette disparition de la biomasse des insectes
Pour aller plus loin sur la biodiversité…
Constat et causes d’une disparition très importante de la biomasse des insectes
Un constat scientifique
- Des études scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme
Déclin de plus de 75 pour cent sur 27 ans de la biomasse totale d’insectes volants dans les zones protégées, par Caspar A. Hallmann, Martin Sorg, Eelke Jongejans et al., étude internationale publiée le 18/10/2017 par la revue PLoS One, consultable sur journals.plos.org. Cette étude analyse des données de captures d’insectes réalisées depuis 1989 en Allemagne. Elle conclut qu’en moins 30 ans, les populations d’insectes ont probablement chuté de près de 80 % en Europe.
« Notre analyse estime un déclin saisonnier de 76 % et un déclin au milieu de l’été de 82 % de la biomasse des insectes volants au cours des 27 années d’étude. Nous montrons que ce déclin est apparent quel que soit le type d’habitat, alors que les changements dans les conditions météorologiques, l’utilisation des terres et les caractéristiques de l’habitat ne peuvent expliquer ce déclin global. »
Un article de magazine est tiré de cette étude : En 30 ans, la population d’insectes volants a chuté de plus de 75% en Allemagne, par la rédaction de Sciences et Avenir avec AFP, 22/10/2017.
Le déclin des arthropodes dans les prairies et les forêts est associé à des facteurs au niveau du paysage, par S. Seibold, MM Gossner, NK Simons et al.,Nature 574 , 671-674, 30/10/2019, consultable sur nature.com.
Un article évoque cette étude : Environnement : la disparition des insectes confirmée par une nouvelle étude par Pascal Hérard, information.tv5monde.com, le 15/11/2019.
« Papillons, punaises, araignées, etc : les insectes disparaissent à une vitesse alarmante ! C’est ce qu’une récente étude allemande sur le déclin massif de la « biomasse des arthropodes » confirme. Jusqu’à 67% de ces insectes ont disparu en à peine dix ans dans les prairies allemandes et 41 % dans les forêts. Cette extinction — inédite et accélérée — n’est malheureusement pas spécifique à l’Allemagne, puisque d’autres études viennent confirmer un problème… mondial. Aux Etats-Unis, c’est une perte de 83% des coléoptères en 40 ans qui a été constatée, et 75% des insectes volants aux Pays-Bas en moins de 30 ans. »
Déclin mondial de l’entomofaune : examen de ses facteurs déterminants, par Francisco Sanchez-Bayo, Kris AG Wyckhuys, publiée dans la revue Biological Conservation, consultable sur le site web sciencedirect.com, 20/01/2019.
Un article évoque également cette étude : Extinction des insectes : ‘On parle sérieusement de fin du monde’ par Mylène Girardeau, information.tv5monde.com, le 12/02/2019.
« Une étude australienne parue dans la revue scientifique Biological Conservation alerte sur une extinction mondiale des insectes : près de la moitié des espèces sont en déclin rapide. Un tiers sont menacées d’extinction et « chaque année environ 1% supplémentaire s’ajoute à la liste » expliquent ses auteurs Francisco Sanchez-Bayo et Kris Wyckhuys, des universités de Sydney et du Queensland. Que faut-il en penser ? »
- Mais une difficulté scientifique à établir précisément l’ampleur du phénomène
3 questions sur… la (dé)mesure du déclin des insectes | Interview, chaîne Youtube du Blob, bibliothèque numérique de la Cité des sciences et de l’industrie, avec Barbara vignaux et Hervé Jactel (directeur de recherche à l’INRA).
Présentation : Plusieurs publications scientifiques depuis un an le montrent : les chercheurs ne s’accordent pas sur l’ampleur du déclin des insectes. Non par goût de la controverse, mais parce que la mesure de ce phénomène fait appel à plusieurs méthodes aux résultats difficiles à analyser. Les explications d’Hervé Jactel, directeur de recherches à l’Inra.
La biomasse des insectes n’est pas un indicateur cohérent des mesures de biodiversité chez les abeilles sauvages, 2021, Indicateurs écologiques, sur le site sciencedirect.com.
Extrait de ce commentaire :
« Cependant, parallèlement, certaines limites méthodologiques importantes de ces études récentes ont également été soulignées, notamment l’impact négligé de la modification de la structure du paysage autour des sites d’étude sur la biodiversité locale, le manque de protocoles d’échantillonnage standardisés, y compris l’effort d’échantillonnage, et, dans l’ensemble, l’absence de protocoles d’échantillonnage standardisés. – conclusions tirées par les auteurs, malgré les preuves disponibles (voir par exemple Willig et al., 2019 ; Lister et Garcia, 2019). »
Indicateurs et outils de mesure. Évaluer l’impact des activités humaines sur la biodiversité ?, par l’Office Français de la biodiversité, avril 2021.
Extrait :
« L’ambition des travaux conduits par la FRB et par l’ONB, présentés dans cette publication, est de donner des pistes pour améliorer des outils de mesure des impacts qui se développent. Elle rend compte des ateliers et du colloque scientifique organisés en octobre 2019. Leur objectif était d’instaurer un dialogue entre acteurs – développeurs d’outils et utilisateurs potentiels – et chercheurs académiques autour de la question des indicateurs de la biodiversité et de la mesure de l’impact écologique des activités humaines. »
Les causes multiples de cette disparition massive de la biomasse des insectes
La répartition de la biomasse sur Terre, par Pascal Combemorel, site web planet-vie.ens.fr, 19/06/2018.
Extrait :
« La biomasse varie fortement en fonction des groupes d’êtres vivants et des environnements considérés. Cet article présente les résultats d’une méta-analyse de la distribution de la biomasse sur Terre. […] En s’appuyant sur des études estimant la biomasse passée, les auteurs indiquent que l’expansion de l’espèce humaine a modifié profondément la répartition de la biomasse. L’homme serait ainsi responsable de la disparition de la moitié de la biomasse des plantes terrestres. »
- Focus sur le rôle de l’agriculture intensive et son usage de produits phytosanitaires
« Dave Goulson, cette chute d’effectif des insectes provient de l’agriculture qui a beaucoup changé. Elle est passée d’une pratique tranquille à une industrie qui emploie des produits chimiques : fertilisants, pesticides… Et les cultures ont augmenté. C’est impossible pour les insectes, dont les bourdons, de survivre. C’est sans doute la cause principale. Mais il existe d’autres facteurs : le réchauffement climatique commence à jouer sur la survie des bourdons. Lorsqu’il fait trop chaud, ils peinent… Tous les insectes de nuit sont touchés. Les insectes sont très résistants. Cela fait 480 millions d’années qu’ils sont là. Ils ont survécu aux dinosaures, mais ils ne peuvent pas affronter ce bombardement de choses qui leur arrive en ce moment. »
Effondrement des insectes : pourquoi tout le monde s’en fout ? podcast La Terre au carré avec Dave Goulson, professeur de biologie à l’université de Sussex et auteur de Terre silencieuse. Empêcher l’extinction des insectes, traduit par Ariane Bataille, éditions du Rouergue.
L’apocalypse des insectes : cet empire invisible qui mène le monde va-t-il disparaître ? d’Olivier Milman, éd. Dunod, 2022.
Résumé :
Des forêts tropicales de Porto Rico aux grandes plaines de l’Oklahoma, l’auteur a enquêté et interrogé des chercheurs afin de comprendre les causes de l’effondrement du monde des insectes. Il montre ainsi le rôle essentiel qu’ils jouent auprès des autres espèces. ©Electre 2022.
CR de lecture de cet ouvrage : L’apocalypse des insectes.
« Les causes du déclin actuel sont connues : perte d’habitats, monocultures, pesticides…»
- Focus sur le rôle de l’aménagement du monde humain et de la fragmentation des habitats naturels
La biodiversité, tissu vivant de la planète. Entretien avec Bruno David (Directeur du Museum d’Histoire naturelle), webmagazine Balises, 29/03/2021.
« La perte de biodiversité est multifactorielle, actuellement comme lors des grandes crises du passé. Différentes causes peuvent être invoquées aujourd’hui : l’occupation des espaces à cause de l’urbanisation et des routes qui morcellent les territoires, la surexploitation des ressources dans les océans ou la pollution des plaines agricoles. Il arrive aussi que certaines espèces soient déplacées par l’homme : introduites dans certaines régions, elles peuvent devenir invasives et déséquilibrer les écosystèmes. Et il y a aussi le changement climatique. »
Concernant la pollution lumineuse humaine : Pollution lumineuse et biodiversité, préfecture de l’Eure, avril 2014.
- Focus sur le rôle du changement climatique
Le déclin des insectes met en péril le vivant, site du Museum d’Histoire naturelle. Cette page présente un certain nombre de causes concomitantes, dont celle du changement climatique, qui a des impacts à différents niveaux : déplacement de populations, décalage de floraison …
Conséquences de cette disparition massive de la biomasse des insectes sur notre avenir
Conséquences sur le plan agricole et alimentaire
Déclin des insectes : l’urgence d’agir
Dans un avis publié le 26 janvier 2021, l’Académie des sciences sonne l’alarme au sujet du déclin des insectes. Explications avec Philippe Grandcolas, directeur de l’Institut de systématique, évolution, biodiversité et co-auteur du rapport scientifique sur lequel s’appuie cet appel.
« Sous l’effet de la disparition des habitats, de l’intensification de l’agriculture avec l’usage massif des pesticides, du réchauffement climatique et des invasions biologiques, les Insectes montrent des signes alarmants de déclin. Bien que difficiles à quantifier, la disparition des espèces et la réduction de leurs populations sont avérées et communes à de nombreux écosystèmes. Elles se traduisent par une perte des services rendus, comme la pollinisation des plantes vivrières, le recyclage de la matière organique, la fourniture de biens comme le miel, et l’équilibre des réseaux trophiques. Il est donc urgent de freiner le déclin des insectes. »
Version longue du compte rendu de l’Académie des sciences par Hervé Jactel, Jean-Luc Imler, Louis Lambrechts, Anna-Bella Failloux et al., Volume 343, issue 3 (2020), p. 267-293 (en anglais)
Sur l’interdépendance entre pollinisation et alimentation :
- Rencontre avec les pollinisateurs, publication du Ministère de la transition écologique, avril 2021.
« La survie de près de 90% des plantes à fleurs (angiospermes) dans le monde dépend, au moins en partie, de la pollinisation par les insectes. Par ailleurs, plus de 70% des cultures, dont presque tous les fruitiers, légumes, oléagineux et protéagineux, épices, café et cacao, soit 35% du tonnage de ce que nous mangeons, dépendent fortement ou totalement d’une pollinisation animale. Cette dépendance existe pour la production de fruits (tomates, courges, arbres fruitiers…) et pour la production de graines (carottes, oignons…). Elle touche une majorité d’espèces productrices de denrées coûteuses. »
- Rapport d’évaluation Résumé à l’intention des décideurs du rapport d’évaluation de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques concernant les pollinisateurs, la pollinisation et la production alimentaire, par S. G. Potts, V. L. Imperatriz-Fonseca, H. T. Ngo et al., IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), 2016, consultable sur le site ecologie.gouv.fr.
- Certaines contributions se penchent plus particulièrement sur les conséquences de la disparition des abeilles pour l’homme, telles que :
Des abeilles et des hommes, par Nicolas Gallai (Ecole Nationale Supérieure de Formation de l’Enseignement Agricole, ENSFEA), revue Mondes sociaux sur la plateforme hypotheses.org, octobre 2018. Présentation synthétique pour découvrir le sujet.
Ou une thèse de pharmacie, pour approfondir les conséquences thérapeutiques de la disparition des abeilles : La disparition des abeilles : quelles conséquences pour nous ?, par Charlotte Debuysscher, Université de Picardie Jules Verne, 18/05/2018, consultable sur la plateforme HAL.
Conséquences sur le déclin de la biodiversité
Insectes : s’ils disparaissent, nous disparaissons, La biodiversité dossier, édito de Dove Alfon, liberation.fr, 11/04/2023.
« Il n’y aurait plus rien de bon en fait, comme ils constituent le maillon essentiel de notre chaîne alimentaire. Sans insectes, plus d’oiseaux, plus de fleurs, plus de lait de vache et plus de vaches tout court. Un scénario apocalyptique, mais qui devient tragiquement réel, à un rythme qui inquiète les chercheurs les plus prudents. C’est le cas du biologiste britannique Dave Goulson, l’un des 20 000 scientifiques qui avaient signé l’«avertissement à l’humanité» publié dans la revue Bioscience en 2017 sur les dangers des atteintes à la biodiversité. »
Sur l’impact de cette perte sur la chaîne alimentaire, voir également la page déjà mentionnée du site du MNHN Le déclin des insectes met en péril le vivant.
L’ouvrage L’apocalypse des insectes : cet empire invisible qui mène le monde va-t-il disparaître ? d’Olivier Milman (mentionné ci-dessus, 2022) présente notamment le rôle des insectes sur “ la préservation des populations de poissons et d’oiseaux, ainsi [que] la dissémination des graines des plantes et des arbres”.
Les p. 3-4 de la Note n°30 déjà citée Le déclin des insectes (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, site de l’Assemblée nationale, décembre 2021) présentent de manière synthétique les “conséquences écologiques dramatiques pour les écosystèmes et l’humanité”, notamment (outre ce qui a déjà été mentionné plus haut) le recyclage de la matière organique, une “contribution au bon fonctionnement des écosystèmes et à leur résilience face aux changements”, ou encore des “services de régulation à travers le contrôle biologique des ravageurs […] et des mauvaises herbes.
Réflexion et propositions de solutions pour enrayer cette disparition de la biomasse des insectes
Des propositions de scientifiques
Préconisations du compte rendu de l’Académie des sciences mentionné ci-dessus : mettre en œuvre des suivis à long terme des populations, réduire l’usage des insecticides de synthèse, préserver les habitats naturels, et réinventer la relation de l’Homme à l’Insecte en revalorisant son image et ses usages.
Après un décryptages des conséquences, Dave Goulson propose des conseils pour enrayer la disparition des insectes : La Terre silencieuse : empêcher l’extinction des insectes de Dave Goulson, éd. Du Rouergue, 2023.
Résumé :
S’appuyant sur les dernières recherches, le scientifique démontre qu’un monde sans insectes serait invivable pour les humains. Il appelle à se mobiliser contre la sixième extinction grâce à des propositions concrètes à mettre en place individuellement et collectivement : gouvernance publique, agriculture, industrie, maisons et jardins. ©Electre 2023
Insectes, un déclin silencieux, en vidéo sur la chaîne YouTube du Muséum national d’Histoire naturelle, 21/11/2022.
Présentation :
Les insectes sont indispensables ! De nombreuses études menées à l’échelle nationale et internationale mettent en évidence le déclin alarmant des espèces. […] Pour expliquer ces chutes de population, les systèmes de production agricoles actuels sont largement pointés du doigt mais s’agit-il de l’unique facteur ? Que dire de la relation qu’entretient l’humain à ces autres vivants ? Quelles pourraient être les solutions pour ralentir ou stopper ce déclin annoncé qui menace l’équilibre de la biodiversité ?
Plus récemment, De nouvelles études alertent sur le déclin des insectes et livrent des solutions pour l’enrayer par Émeline Férard, dans Geo, 13/01/2021.
« Une série de douze études portant sur le déclin des insectes à travers le monde vient de paraître dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. Selon leurs résultats, les insectes sont soumis à de multiples menaces mais des solutions existent pour enrayer leur disparition.
Des propositions politiques qui ne datent pas d’hier et qui restent à poursuivre
Note n°30 Le déclin des insectes par l’ Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, décembre 2021.
Une bibliographie très riche est mentionnée à la fin de la note.
« De nombreuses mesures ont été prises depuis plusieurs décennies […]Toutefois, ces mesures se sont avérées jusqu’à présent relativement inefficaces pour lutter contre le déclin des insectes. Deux priorités apparaissent aujourd’hui pour faire évoluer les modes de production agricole : – utiliser les bons leviers d’action pour soutenir la transition agroécologique. Au niveau européen, la politique agricole commune (PAC) représente 50 milliards d’euros par an. »
Actualité : Lancement du nouveau plan national pollinisateurs 2021-2026 :
Six axes thématiques, pour favoriser la protection des pollinisateurs et 8 actions phares du plan à retrouver dans le plan téléchargeable : Plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation 2021-2026
Pour aller plus loin sur la biodiversité…
Dossier Biodiversité du webmagazine Balises.
Film documentaire : Le Mystère de la disparition des abeilles réalisé par Mark Daniels, TelFrance Group, 2010 (accessible en SVOD Arte).
Enquête sur un désastre écologique mondial qui pourrait mettre en péril l’humanité toute entière. Aujourd’hui, un tiers de notre nourriture dépend directement de l’abeille, le pollinisateur agricole le plus important de notre planète.