Médiathèques de Strasbourg – notre réponse du 12/01/2021.
« La pauvreté aux États-Unis d’Amérique, un pays considéré comme un des plus « puissants » et des plus « riches » du monde, capte peu l’attention. De ce pays, on met d’abord en avant la croissance régulière du produit intérieur brut (PIB) et un taux de chômage bas, du moins avant la pandémie. S’il y a eu ces dernières années une prise de conscience de la montée des inégalités, la pauvreté ne fait pas partie du débat public. Le sujet était absent de la campagne présidentielle de 2020.», écrit Sophie Mitra dans son article États-Unis : la pauvreté au pays de la richesse.
Mais alors, quel est aujourd’hui le taux de pauvreté aux États-Unis ? Et a-t-il connu une évolution depuis les années 1970 ?
Constat récent de la pauvreté aux États-Unis
Avant la pandémie de Covid 19
Aux États-Unis, moins de pauvreté mais plus de disparités de revenus par Véronique Le Billon, lesechos.fr, 27/09/2019.
Extrait :
« La pauvreté a, de fait, continué à reculer, pour la cinquième année consécutive, note le Census Bureau.
La part des ménages sous le seuil de pauvreté a ainsi baissé de 0,3 point en un an, à 13,1 % l’an dernier, avec toutefois de fortes disparités géographiques – le taux le plus faible s’observe dans le New Hampshire (7,6 %) et le plus élevé dans le Mississippi (19,7 %). La croissance économique, avec un taux de chômage au plus bas, a permis de réduire un taux de pauvreté qui dépassait 15,5 % après la crise financière. »
Mais « alors que le revenu médian (qui sépare la population en deux parts égales) a progressé l’an dernier aux États-Unis et que le taux de pauvreté a baissé, les inégalités de revenus se sont pourtant accrues, a révélé jeudi le Census Bureau ». Il s’agit donc d’un « creusement par le haut ».
Un article plus récent du Monde, dont l’intégralité n’est pas en accès ouvert, propose un aperçu concordant de la situation :
Avant l’épidémie de Covid 19, le taux de pauvreté aux États-Unis était au plus bas depuis 60 ans par Arnaud Leparmentier, lemonde.fr, le 16/10/2020.
Extrait :
« En 2019, 10,5 % de la population vivaient sous le seuil de pauvreté, selon des chiffres officiels publiés mardi. Mais les écarts restent importants : les Afro-Américains gagnent en moyenne seulement les deux tiers de ce que gagne la moyenne des Américains.
C’était avant l’épidémie de Covid-19, après la plus longue période d’expansion économique aux Etats-Unis et avec un chômage à 3,5 % de la population active, au plus bas depuis un demi-siècle. Le taux de pauvreté a décliné en 2019 pour la cinquième année consécutive, pour atteindre 10,5 % de la population, soit 34 millions de personnes, contre 14,8 % en 2014. « C’est le taux le plus bas observé depuis les premières publications en 1959 », écrit l’United States Census Bureau, mardi 15 septembre. A cette date-là, il était de 22,4 %, notamment en raison de la très grande pauvreté des Afro-Américains (55 %). »
Ce même article précise que « Le niveau de pauvreté « officiel » aux Etats-Unis pour une famille avec deux enfants était fixé en 2019 à 26 172 dollars (22 000 euros) par an et à 13 300 dollars (11 225 euros) pour une personne seule. Un second moyen de mesure de la pauvreté, dite « supplémentaire », donne des chiffres supérieurs de 1,2 point, mais en recul similaire (11,7 % de taux de pauvreté en 2019, contre un plus haut de 16,1 % en 2011). Il s’agit d’une mesure en valeur absolue et pas du niveau d’inégalité. »
Il faut par ailleurs remarquer que « Les écarts restent considérables : les Asiatiques ont un revenu annuel de 98 200 dollars, les Blancs non hispaniques 76 100, les Hispaniques 56 100 et les Noirs 45 400. Les Afro-Américains gagnent donc seulement les deux tiers de ce que gagne la moyenne des Américains. Ce taux est quasi inchangé depuis 2016, dernière année du mandat de Barack Obama. Les femmes gagnent 82 % de ce que touchent les hommes. »
Après la pandémie de Covid 19
L’analyse de la situation de pauvreté après la pandémie de Covid 19 paraît encore précoce, mais un article aborde néanmoins la situation actuelle dans le Mississippi, un des États les plus pauvres des États-Unis :
Après le Covid, l’avenir incertain du Mississippi par Nicolas Rauline, les Echos, 11/05/2021. Cet article n’est pas en accès intégral.
Extrait :
« L’État le plus pauvre des États-Unis dont le système de santé était déjà mal en point avant la crise, voit une partie de sa population marginalisée. Dans le comté de Holmes, le plus démuni du pays, la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Et les élus locaux se méfient des aides de Washington… […]
Dans le Mississippi, le revenu par habitant est, de loin, le plus faible des 50 États de l’union. Dans le comté de Holmes, un habitant gagne moins de 1.000 dollars par mois (830 euros exactement). Et c’est une moyenne…Près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, contre près de 20 % dans l’ensemble de l’État. »
Les évolutions au cours des dernières décennies
Le seuil de pauvreté défini par l’INSEE (institut national de la statistique et des études économiques) :
« Un individu (ou un ménage) est considéré comme pauvre lorsqu’il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. En France et en Europe, le seuil est le plus souvent fixé à 60 % du niveau de vie médian.
L’Insee, comme Eurostat et les autres pays européens, mesurent en effet la pauvreté monétaire de manière relative alors que d’autres pays (comme les États-Unis ou le Canada) ont une approche absolue.»
Or, aux États-Unis, en 2010 « le seuil de pauvreté mensuel était de 928,25 dollars pour une personne seule (soit l’équivalent de 666 euros) et de 1 185 dollars pour un couple sans enfant (soit 851 euros). Les données américaines ne sont pas comparables aux données européennes. La mesure de la pauvreté est établie de façon différente, à partir d’un ensemble de biens et de services minimum jugés indispensables. En Europe, la pauvreté est mesurée de façon relative, en fonction du niveau de vie médian », précise le site de l’Observatoire des inégalités.
L’Observatoire des inégalités, organisme indépendant, dresse un état des lieux des inégalités en France, en Europe et dans le monde.
Un article de son site web présente l’évolution de la pauvreté aux Etats-Unis depuis les années 1960, avec un focus particulier entre 2000 et 2010 :
L’évolution de la pauvreté aux États-Unis par l’Observatoire des inégalités, 17/11/2011.
Extrait :
« Depuis le début des années 1960, le niveau de la pauvreté aux États-Unis est largement dépendant des aléas économiques. La pauvreté a nettement diminué au cours des années 1960 pour se stabiliser dans les années 1970. Depuis les années 1980, le nombre de pauvres croît progressivement au fil des cycles de récessions qui ont lieu presque tous les dix ans : début des années 1980, début des années 1990 et début des années 2000. La proportion de pauvres a oscillé en fonction de ces cycles de croissance entre 12 et 15 %. »
Il expose également des données chiffrées sur l’évolution entre 2000 et 2010 : « En une décennie le nombre de pauvres aux États-Unis a augmenté de plus de 15 millions de personnes, passant de 31,6 millions en 2000 à 46,2 millions en 2010. Cette hausse importante s’est amorcée au cours des dernières années, des suites de la crise économique et financière : entre 2007 et 2010, le nombre de pauvres s’est accru de près de 10 millions. L’augmentation du taux de pauvreté s’est de même accélérée au cours de ces dernières années : il était de 11,3 % en 2000, de 12,5 % en 2007, contre 15,1 % en 2010. »
Pour en savoir plus sur la pauvreté aux États-Unis…
Des articles en ligne
L’article ci-dessous de la radio Europe 1 traitant du sujet :
Malgré le plein emploi, la pauvreté ronge toujours les États-Unis, europe1.fr, le 13/09/2018.
États-Unis : la pauvreté au pays de la richesse par Sophie Mitra, dans la revue Politique étrangère, 2021/1 (Printemps), p.53 à 64.
Disponible depuis la plateforme Cairn (plateforme d’articles de niveau académique).
Résumé :
« La pauvreté aux États-Unis ne fait pas partie du débat public, mais elle n’y est pas rare. À la fin des années 2010, elle n’affectait sous toutes ses formes pas moins de 20 % de la population. Les aides sociales sont modestes, mais des recherches récentes montrent que le système de protection sociale a été relativement efficace pour réduire la pauvreté depuis la fin des années 1960. Son aggravation dans le contexte du COVID-19 appelle à des réformes structurelles pour envisager de l’éradiquer. »
Via la plateforme Cairn, une contribution à un ouvrage propose d’aborder la thématique dans une perspective historique et présente des graphiques des niveaux médians et moyens de revenus des ménages des années 1970 à 1999 :
Un creusement marqué des inégalités (Chapitre 4.), in Le nouvel âge de l’économie américaine
Anton Brender, Florence Pisani, éditions Economica, 1999, p. 69 à 94.
Des ouvrages
Atlas des États-Unis : un colosse aux pieds d’argile
Christian Montès et Pascale Nédélec, éditions Autrement, 2016.
Un Atlas des États-Unis pour retrouver, cartes, schémas et statistiques.
Separate societies : poverty and inequality in U.S. cities
William W. Goldsmith et Edward J. Blakely, Temple University Press, 2010.
Eurêkoi – Médiathèques de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg