D’où venait la glace des marchands de cubes de glace du 19e siècle ?
Bibliothèque publique d’information – notre réponse du 29/06/2022.
Bien avant l’apparition du réfrigérateur, les cubes de glaces constituaient une matière première essentielle notamment pour la conservation des aliments.
La récolte et le commerce de ces blocs de glace d’origine naturelle faisaient partie intégrante de la vie quotidienne et participaient activement à la vigueur de l’ industrie du 19e siècle.
Retour sur l’utilisation, l’acheminement et la conservation de ces énormes blocs froids, par les marchands, au XIXème siècle !
La glace : une ressource essentielle
Cuire et conserver les aliments : la révolution technologique au XIXe siècle par Yves Bergeron, revue Mon Pays c’est l’hiver, n° 24, hiver 1991.
Extrait :
« Entre 1830 et 1850, ceux-ci assistent à une véritable révolution de leurs habitudes alimentaires: l’apparition de la cuisinière donne lieu à de nouvelles techniques de cuisson et à l’introduction de nouveaux ustensiles de cuisine; de plus, l’industrie de la glace permet de conserver les aliments tout en favorisant l’importance et l’exportation des produits alimentaires. »
Ainsi bien avant l’invention de l’électricité, la glace était utilisée pour conserver les aliments et rafraîchir les boissons, mais aussi pour élaborer des mets glacés comme des sorbets et des boissons froides. Jusqu’à la toute fin du 19e siècle, la glace utilisée était d’origine naturelle.
Récolte de la glace
La glace était prélevée dans les montagnes, sur les glaciers, ou l’hiver sur les rivières et lacs lorsqu’ils gelaient.
Les glaciers de montagne, les cavités naturelles, les étendues d’eau (l’hiver pendant les périodes de gel) et la neige constituaient les sources de glace naturelle.
Au 19e siècle en France, il arrivait, lorsque les hivers étaient trop doux, que la glace soit importée de l’étranger, notamment de Norvège.
Comment faisait-on de la crème glacée, au XIXe siècle ? par Lise Antunes Simoes, liseantunessimoes.com, le 14/07/2021.
Extrait :
« On récolte la glace sur des étangs ou des cours d’eau gelés (ça fait une surface plus régulière et plus facile à découper en blocs et à extraire). Les blocs sont découpés à la scie et manipulés à la force du bras avec de grosses pinces. Les pays naturellement froids et avec beaucoup d’eau, comme le Canada, le nord-est des États-Unis et la Norvège, sont de loin les plus gros joueurs, aidés par le développement des bateaux à vapeur, dans les années 1830/1840, qui permet d’expédier la glace d’Amérique du Nord jusque dans les Caraïbes ou en Europe, pendant que la Norvège s’occupe de fournir l’Allemagne et le Royaume-Uni. »
Les glacières : réservoir artificiel pour la conservation
La glace était ensuite stockée dans des réservoirs artificiels appelés « glacières« , c’est-à-dire des puits ou des fosses maçonnées, parfois isolées par de la paille ou de la sciure, et qui permettaient de conserver la glace au frais de façon souterraine jusqu’à l’été, période pendant laquelle elle serait principalement consommée.
C’est dans ces glacières que s’approvisionnaient les marchands. La glace est ensuite transportée et conservée en plus petites quantités dans des sacs de jute, des seaux de métal et/ou de bois, ou dans des armoires froides, faite de bois et d’un revêtement en métal.
Et ce jusqu’à l’invention et la démocratisation des réfrigérateurs et de la production industrielle de glace, à la fin du XIXe siècle.
Source :
Glacières françaises : histoire de la glace naturelle de Jean Martin, Éditions Errance, 1977.
Résumé
« Historique et évolution des glacières à travers les siècles. Elles constituent un patrimoine encore méconnu. Souvent oubliées, voire en ruine, elles sont pourtant autant de témoins d’une pratique ancestrale et de la vie quotidienne où plongent nos racines. »
Glacières de Paris, encyclopédie en ligne Wikipedia.
Extrait :
« La ville de Paris était approvisionnée par quarante glacières, les plus anciennes étant celles de Gentilly, Saint-Ouen, et Villeneuve l’Étang. La glace venait aussi de Norvège lorsqu’on en manquait. La Société des Glacières réunies de Saint-Ouen et de Gentilly en possédait trente, qui pouvaient emmagasiner vingt mille tonnes de glace. La consommation totale était de 7 500 tonnes sur lesquelles 500 étaient employées par les marchands et les préparateurs de denrées alimentaires, les crémiers, et le reste par les glaciers pour la fabrication de glaces et de sorbets. »
Transport de la glace
Une fois prélevée sous forme de bloc, la glace était ensuite transportée sur des bateaux, sur des chariots, ou plus tard, par voie de chemin de fer. Le transport se faisait de préférence l’hiver, pour limiter la fonte et donc la déperdition entre le lieu de récolte et le lieu de stockage.
Exploitation de la glace des glaciers sous l’égide de la Société Suisse de Géomorphologie (SSGm), geomorphologie-montagne.ch.
Extrait :
« Après l’arrivée des chemins de fer, l’industrie de la glace s’est développée pour approvisionner une bonne partie de l’Europe. Ces années correspondent à la fin du Petit Age Glaciaire, quand la matière première était accessible. Cette exploitation était particulièrement développée au glacier du Trient. Vers la fin des années 1880, partaient chaque jour en été du Col de la Forclaz 10 à 15 gros chariots transportant par la route jusqu’à Martigny entre 20 à 30 tonnes de gros blocs de glace. Un train par semaine rejoignait les grandes villes françaises de Paris, Lyon et Marseille. »
Sources et informations complémentaires
La glace dans la vie quotidienne ou les nuances du confort : exemple de l’Europe et de la Méditerrannée par Ada Acovitsióti-Hameau, revue « La glace et ses usages » dirigé par Aline Rousselle, Presses Universitaires de Perpignan, 1999.
Extrait :
« La fonction réfrigérante de la glacière domestique ou domaniale prévaut ainsi dès le XVIIe siècle tant en Grande-Bretagne que dans les régions alpines. Viandes, laitages et même fruits sont stockés dans des compartiments aménagés à l’intérieur des cuves, des sas ou des couloirs d’accès et sont suspendus au-dessus de la masse glacée ou simplement posés sur elle. Cette fonction se développe de plus en plus à partir du XIXe siècle.
Le Manuel du Limonadier, Glacier, Cafétier… (série des Manuels Roret, 1862) consacre un chapitre à ce sujet. Les glacières mobiles, en forme de coffres, buffets ou armoires, deviennent alors des pièces d’ameublement conseillées à tout commerce et maison qui se respecte. »
Le massif de la Sainte Baume et la production de glace naturelle : les glacières de Fontfrège par Yves Nédonsel, revue Le monde alpin et rhodanien, revue régionale d’ethnologie, n° 2-3/1891.
Glacières, architecture par Christophe Morin, encyclopédie en ligne Universalis.
Extrait :
« Avant la mise au point de la réfrigération artificielle, la glacière était une cavité en maçonnerie dans laquelle on entreposait la glace naturelle, récupérée en hiver sur les plans d’eau gelés, afin d’en disposer pendant la saison chaude pour rafraîchir des boissons, préparer des sorbets et surtout conserver des aliments. Simple excavation naturelle, utilisée vraisemblablement dès la préhistoire, la glacière devient pendant l’Antiquité un bâtiment architecturé de forme variable, au gré des particularités régionales. »