Diplomatie : Quelle politique internationale Angela Merkel a-t-elle mené durant ses mandats ?
Bibliothèque publique d’information – notre réponse du 09/05/2022.
Angela Merkel, qui a succédé le 22/11/2005 à Gerhard Schröder, avait affiché son intention de prendre en main la politique étrangère et critiqué les choix de politique étrangère de son prédécesseur dans la plupart des domaines (relations avec les États-Unis, la Russie et la Chine, action de la Bundeswehr, construction européenne …).
La remise en cause de la ligne de son prédécesseur a-t-elle été aussi radicale qu’annoncé ? Quelle politique internationale a-t-elle mené durant ses mandats successifs à la tête de la Chancellerie jusqu’au 08 décembre 2021 ?
Rupture annoncée avec la politique de son prédécesseur : un bref historique
Engagement de troupes allemandes au Kosovo et en Macédoine, médiation de Joschka Fischer dans des négociations entre Israël et Autorité palestinienne, candidature de l’Allemagne à un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU [Organisation des Nations unies]… Rompant avec la “culture de la retenue” caractéristique des gouvernements précédents, le chancelier Gerhard Schröder avait pris acte des responsabilités particulières conférées à l’Allemagne par son statut de principale puissance économique et commerciale de l’Union européenne, et indiqué sa volonté d’achever le processus de “normalisation” (consistant en grande partie à lever les restrictions militaires que l’Allemagne s’était imposées à elle-même), tout en restant très attaché aux structures de coopérations multilatérales existantes et à l’approfondissement institutionnel de l’UE.
Consulter à ce sujet le chapitre :
Les années Gerhard Schröder (1998-2005) : les premiers pas de la République de Berlin, de Hans Stark, dans La politique internationale de l’Allemagne. Disponible en ligne sur la plateforme OpenEditions.
Angela Merkel, lors de son arrivée à la Chancellerie, s’était prononcée contre cette politique.
La chancelière Angela Merkel a prêté serment, par L’Obs, site L’Obs, 23/11/2005. La politique étrangère y est qualifiée de « champ de mines potentiel« .
Entre grands principes de politique étrangère allemands et priorité des intérêts nationaux
Les piliers de la politique internationale de l’Allemagne
L’Allemagne et la Chine : une réorientation stratégique annoncée, par Ernst Stetter, site de la Fondation Jean Jaurès, le 21/06/2021.
Cet article commence par un rappel des piliers de la politique allemande :
« Les piliers de la politique étrangère allemande ont été fondés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : souveraineté de l’Europe et construction du couple franco-allemand, sécurité doublement garantie par l’OTAN et par le partenariat transatlantique établi par le chancelier Konrad Adenauer dans les années 1950, et engagement en faveur du multilatéralisme au travers de l’ONU. À ces trois axes sont ensuite venus s’ajouter à partir des années 1970 la main tendue par Willy Brandt à l’Europe de l’Est, l’ouverture économique vers l’Asie et la Chine sous Helmut Kohl, et les relations commerciales bilatérales encouragées dans les années 1990 par Gerhard Schröder qui ont installé l’Allemagne comme le plus gros exportateur du continent. Autant d’axes qui ont été poursuivis et accentués par Angela Merkel. »
Des relations franco-allemandes, fluctuantes mais indéfectibles :
Les relations franco-allemandes : vers un nouveau traité de l’Elysée, revue Allemagne d’aujourd’hui, n°226, 2018/4. Consultable sur la plateforme Cairn.info.
Présentation :
Alors qu’une nouvelle formulation du Traité dit de l’Elysée sur l’amitié et la coopération franco-allemande de 1963 est en gestation, ce dossier s’interroge sur les acquis de ce traité et les perspectives d’évolution des relations franco-allemandes dans un contexte international marqué par la mondialisation, la fragilisation du lien transatlantique, la montée des populismes et le Brexit.
30 ans de politique étrangère allemande. Entre volonté de continuité et tiraillement inévitable, par Hans Stark, revue Allemagne d’aujourd’hui, n°232, 2020/2, p.177-191. Présenté sur la plateforme Cairn, mais accès à l’article intégral payant (4,5 €).
Extrait :
« En tant que première puissance économique et commerciale de l’UE, elle occupe une place de premier rang au sein de l’Union. Mais elle n’a pas su ni voulu s’affirmer sur le plan militaire ou géopolitique, préférant un rôle de puissance civile, largement imprégnée des principes du multilatéralisme, à un leadership unilatéraliste. Sa culture de la retenue a certes diminué les craintes qui se sont exprimées il y a trente ans. En revanche, les partenaires de l’Allemagne, confrontés à un environnement international fracturé et incertain, attendent de l’Allemagne qu’elle assume ses responsabilités sur le plan international, y compris en matière de sécurité et de défense. Mais aussi, en tant que puissance économique, pour venir en aide aux Etats membres les plus fragiles de l’UE. »
Mais une priorité donnée à la défense des intérêts nationaux
Politique étrangère allemande : entre multilatéralisme et Germany First, par Hans Stark (professeur de civilisation allemande contemporaine à Sorbonne Université et conseiller pour les relations franco-allemandes à l’Ifri), site web IFRI, 2021.
Ce document est disponible en pdf à télécharger.
Présentation :
« Sous des discours engagés au service d’un ordre multilatéral, l’Allemagne assume une politique qui semble pour l’essentiel structurée par ses intérêts nationaux. Qu’il s’agisse de l’approvisionnement énergétique auprès de la Russie, des exportations vers la Chine, des excédents commerciaux avec les États-Unis ou les Européens, ou de la faiblesse de ses budgets militaires, Berlin semble assez loin de l’image qu’elle veut donner d’elle-même d’une puissance guidée par les règles. » [Nous surlignons.]
La politique africaine de l’Allemagne entre principes éthiques et intérêts économiques, entretien de Jean-Louis Georget avec Hans Stark, revue Allemagne d’aujourd’hui, n°217, 2016/3. Consultable intégralement et gratuitement sur la plateforme Cairn.
Cet entretien a été publié au sein du dossier spécial de ce numéro : L’Allemagne et l’Afrique, d’hier à aujourd’hui.
Hans Stark y affirme en particulier qu’on “ ne peut pas réellement affirmer que l’Allemagne fasse montre d’une réelle stratégie en matière de politique africaine dans la mesure où elle n’a pas fixé des priorités claires. “
Extrait :
« JLG : Mais qu’en est-il alors du débat initié sur l’annonce d’un changement de politique de la part du gouvernement fédéral envers l’Afrique ? Il y a eu le paradigme africain de la coalition conservatrice et libérale en 2011, reformulé en 2014 par le gouvernement fédéral dans son document sur les lignes directrices de sa politique africaine […].
HS : […] il met malgré tout l’accent sur la politique de sécurité comme l’un des points essentiels de sa présence sur le continent africain. Le but principal reste d’encourager les efforts de l’Union africaine et des organisations régionales pour maîtriser financièrement et logistiquement les différents foyers de tension. Le gouvernement est de plus en plus enclin à envoyer ses propres soldats sur le continent africain, comme le montre sa participation aux missions de formation militaire en Somalie ou au Mali. Mais des interventions plus directes, comme celle à laquelle a participé l’Allemagne en République du Congo dans le cadre de l’Union européenne ou celles que pratiquent la France, ne sont pas à l’ordre du jour. » [Nous surlignons.]
Une réelle affirmation de l’Allemagne sur la scène internationale ?
Une politique européenne au service de la prééminence de l’Allemagne, entre intransigeance et compromis
France Culture : Angela Merkel : le tournant des 10 ans, par Christine Ockrent, émission Affaires étrangères, le 07/11/2015. En podcast sur France Culture.
Retour sur les 10 ans de pouvoir d’Angela Merkel à la tête de l’Allemagne et comme leader européen.
En quoi la relation Chine-Allemagne est-elle si importante pour l’Europe ?, par Hans Kundnani, Le Monde, le 16/05/2012.
Extrait :
« Dans ce paysage de crise, les analystes et officiels chinois voient une Allemagne de plus en plus puissante, une France affaiblie et un Royaume-Uni marginalisé. Et c’est ainsi qu’ils observent l’Allemagne jouer un rôle de plus en plus décisif dans l’Union Européenne et n’ont, par conséquent, d’autre choix que d’aborder l’Europe en se servant d’elle. Lors d’une récente visite à Pékin, un officiel chinois nous fit cette remarque : « Si vous voulez obtenir quelque chose de Bruxelles, adressez-vous à Berlin ». »
– Une évolution de la politique internationale au cours des différents mandats ?
Les tournants de la politique étrangère allemande, par Hans Stark, le 08/09/2014.
L’article est disponible en podcast (13 min) sur le site de France Culture, émission Les Enjeux internationaux par Thierry Garcin et Eric Laurent.
Extrait :
« Dans la difficile gestion de la crise économique par Bruxelles, l’Allemagne a fait preuve non seulement de détermination mais aussi d’une volonté impérieuse le cas échéant.
En tout cas, elle a réussi à verrouiller dans l’Union européenne un certain nombre de processus de décision. Rien ne peut se faire sans elle et, d’abord, elle sait dire non.
C’est la même chose pour sa politique étrangère, émancipée. On l’a dit ici même, elle a un rôle international de plus en plus affirmé. Des exemples parmi d’autres : elle s’est abstenue à l’ONU (très sage décision), lorsque la France a demandé à intervenir contre la Libye de Kadhafi elle envoie des armes de guerre aux Kurdes dans le dossier ukrainien, la chancelière Merkel s’est comportée en Haute représentante pour la politique extérieure et de sécurité de l’Union européenne, etc. »
Le tournant de la politique étrangère allemande, par Euronews, màj 04/12/2015.
Cet article se concentre sur les signes de dépassement de la “culture de la retenue” des années 2010.
L’Allemagne propose une alliance contre les autocrates, par Sandrine Blanchard, site Deutsche Welle, 10/03/2021.
Extrait :
« L’Allemagne propose un « New Deal », une « nouvelle donne » aux Etats-Unis. Heiko Maas, le chef de la diplomatie allemande, suggère en effet à l’administration de Joe Biden de s’allier contre les « autocrates ». La Russie et la Chine notamment sont dans son viseur. »
La “tentation du repli sur soi” malgré tout
La politique internationale de l’Allemagne : une puissance malgré elle, de Hans Stark, Presses Universitaires du Septentrion, 2011. Ouvrage consultable en ligne en libre accès sur la plateforme OpenEditions.
Il livre une analyse riche et approfondie de la politique étrangère de Merkel sur la période 2005-2009 (où la politique étrangère de Merkel est qualifiée de “consensuelle et domestiquée”) et sur celle de la coalition chrétienne-libérale, où cette politique est “dans la tentation du repli sur soi”.
Extrait de la présentation : Alors que l’engagement européen de l’Allemagne paraît plus incertain, son ancrage transatlantique se fissure. Présent sur de nombreux théâtres, Berlin refuse de s’engager dans des opérations de combat et ne semble toujours pas décidé à doter son armée de moyens crédibles face aux crises. Son abstention à l’ONU lors du vote sur la crise libyenne s’inscrit dans une « culture de retenue » honorable, mais qui l’éloigne de ses partenaires américain et français, alors qu’il se rapproche des « nouveaux centres de pouvoir », Russie ou Chine. Trop forte pour un repli sur soi, trop faible pour les attentes – parfois excessives – de ses partenaires, l’Allemagne demeure une « puissance malgré elle ». [Nous surlignons.]
Entre domination et effacement. La politique étrangère à la carte de la coalition chrétienne-libérale, par Hans Stark, Allemagne d’aujourd’hui, 2013/4, n°206, p.64 à 77.Consultable gratuitement en accès ouvert sur la plateforme Cairn.
Le paragraphe 3 évoque en particulier une « double logique à la fois complémentaire et contradictoire, également renforcée sous le gouvernement de centre-droite : une politique de puissance indéniable sur le plan économique et commercial, au niveau à la fois européen et mondial, d’un côté, et une politique de déni de puissance toute aussi radicale en matière de sécurité et de défense de l’autre. »
Bilan et mise en perspective
Angela Merkel et l’Union européenne : quel bilan ?, par Boran Tobelem, site Toute l’Europe, 11/01/2022.
Cette page dresse le bilan synthétique de la politique européenne de la chancelière, passée de l’intransigeance au compromis lors de la crise économique et financière de 2008.
Il aborde également, plus largement, les grands axes de sa politique internationale envers les Etats-Unis, ainsi qu’avec la Chine et la Russie, les relations avec ces deux dernières étant résolument orientées par les intérêts économiques de l’Allemagne.
Allemagne/Union européenne : l’héritage ambigu d’Angela Merkel, par Paul Maurice, revue Politique étrangère, 2021/3 (Automne), p. 109 à 119. Présenté sur la plateforme Cairn, mais accès à l’article intégral payant (5 €).
Résumé :
« Angela Merkel achève son quatrième mandat à la tête de l’Allemagne. Si elle a fait de nombreuses déclarations prouvant son attachement au projet européen, son bilan en la matière paraît néanmoins contrasté. Au moment de la crise du Covid-19, elle a contribué à maintenir la cohésion de l’Union européenne (UE) et a accepté le principe d’une dette commune. Mais il lui a manqué une grande vision et des leviers d’action qui auraient permis de faire de l’UE un acteur plus fort sur la scène internationale. »
L’Allemagne trente ans après : 1989-2019, de Boris Grésillon (chercheur au Centre Marc-Bloch de Berlin) et Christophe Strasse (professeur associé à l’université de Lille)l,éd. La Découverte, 2019.
Extrait de la présentation dans HAL, Archives ouvertes :
“[…] le troisième (et dernier) mandat d’Angela Merkel se déroule dans un contexte moins favorable que les précédents et elle n’apparaît plus comme la leader incontestable de l’Union européenne. La question militaire, à travers l’adhésion à l’Otan, interroge aussi le rôle de l’Allemagne dans la politique internationale.”
L’Allemagne s’interroge sur la responsabilité d’Angela Merkel dans l’escalade agressive de Vladimir Poutine, par Thomas Wieder, site du journal Le Monde, 29/03/2022.
La politique d’Angela Merkel vis-à-vis de la Russie se voit éclairée et taxée a posteriori de “laxisme”.
Extrait :
« […] Friedrich Merz, le président de l’Union chrétienne-démocrate [qui], le 27 février devant le Bundestag, a qualifié de « champ de ruines la politique étrangère et de sécurité conduite par l’Allemagne et par l’Europe au cours des dernières années.
[…] Mais l’ex-chancelière a toujours défendu l’idée selon laquelle l’intensification des échanges économiques avec la Russie était le meilleur moyen de rapprocher celle-ci de l’UE. Résumée par la formule “Wandel durch Handel”, celle-ci apparaît rétrospectivement comme naïve pour ne pas dire délétère. »
Un “changement d’époque” ? Vers une réorientation de la politique étrangère allemande après l’invasion russe en Ukraine, par Paul Maurice (chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Ifri), ifri.org, le 07/03/2022. Le document intégral est téléchargeable en pdf sur la page de cette publication des briefings de l’Ifri.
Ressource intéressante parce qu’en étudiant la remise en cause actuelle de la politique étrangère allemande et de son “credo”, elle éclaire par là même cette politique étrangère menée par Merkel et ses prédécesseurs.