Que lire après « King Kong Théorie » de Virginie Despentes ?

Bibliothèque publique d'information (Paris)

Premier essai de la romancière Virginie Despentes, King Kong théorie est considéré comme une oeuvre majeure pour le féminisme français contemporain, avec un ton tranchant et des idées percutantes. Si vous cherchez des idées de lecture aussi fortes, en voici une petite sélection.

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Un appartement sur Uranus

Chroniques de la traversée

Publication:

Auteur(s): Paul B. Preciado

Éditeur(s): Grasset

Résumé :

Au XIX siècle, lorsque l’homosexualité est inventée comme crime et maladie mentale en Europe, l’écrivain Karl Heinrich Ulrich est le premier à se déclarer « uraniste » et à affirmer les droits de « ceux qui aiment différemment ». Après lui, Preciado refuse le protocole médico-légal de changement de sexe et entreprend un projet de transformation de son corps et de sa subjectivité via l’auto-administration de testostérone. Il relate cette traversée, ce devenir « homme-trans », au fil de chroniques dans Libération entamées comme Beatriz et poursuivies une fois devenu Paul. Il y développe une philosophie politique dépassant les questions de sexualité et évoque des questions politico-sociales comme le devenir néo-fasciste en Europe, la crise grecque, les luttes zapatistes au Mexique, le conflit en Catalogne. Car la dualité sexuelle et son l’épistémologie binaire sont le cadre général de nos sociétés « technopatriarcales et hétérocentrées ». La masculinité s’y définit par le droit des hommes à donner la mort et la féminité par l’obligation des femmes à donner la vie. L’hétérosexualité est à la fois une politique du désir et un régime de gouvernement imposant un système de violence et de domination. Face à ce régime, la culture queer et trans est celle du l’expérimentation du genre et de la non-naturalisation des positions de pouvoir. Les corps sont équivalents, le pouvoir est redistribué. En devenant Paul, Preciado, « dissident du système genre-genre », met en pratique la révolution sexuelle et politique qu’il appelle de ses vœux. Il propose ainsi une cartographie de technologies du pouvoir aussi bien qu’une guide des nouvelles stratégies de résistance à la norme.

L’avis du bibliothécaire

Ce livre du philosophe Paul B. Preciado compile ses chroniques pour le journal Libération, publiées entre 2013 et 2018. Il y aborde largement les questions d’actualité d’un point de vue queer, féministe et anti-capitaliste. Deux grandes qualités de ces textes est leur facilité d’accès et leur incarnation (Preciado n’écrit pas hors-sol, il parle de problématiques politiques qui sont sous nos yeux). Une lecture inspirante.

Le Triangle et l’Hexagone

Réflexions sur une identité noire

Publication:

Auteur(s): Maboula Soumahoro

Éditeur(s): La Découverte

Résumé :

Le Triangle et l’Hexagone est un ouvrage hybride : le récit autobiographique d’une chercheuse. Au gré de multiples va-et-vient, l’autrice converse avec la grande et les petites histoires, mais également avec la tradition intellectuelle, artistique et politique de la diaspora noire/africaine. Quels sens et significations donner au corps, à l’histoire, aux arts, à la politique ? À travers une écriture lumineuse, Maboula Soumahoro pose son regard sur sa vie, ses pérégrinations transatlantiques entre la Côte d’Ivoire des origines, la France et les États-Unis, et ses expériences les plus révélatrices afin de réfléchir à son identité de femme noire en ce début de XXIe siècle. Ce parcours, quelque peu atypique, se déploie également dans la narration d’une transfuge de classe, le récit d’une ascension sociale juchée d’embûches et d’obstacles à surmonter au sein de l’université. Cette expérience individuelle fait écho à l’expérience collective, en mettant en lumière la banalité du racisme aujourd’hui en France, dans les domaines personnel, professionnel, intellectuel et médiatique. La violence surgit à chaque étape. Elle est parfois explicite. D’autres fois, elle se fait plus insidieuse. Alors, comment la dire ? Comment se dire ?

L’avis du bibliothécaire

Autre livre signée par une universitaire, Le Triangle et l’hexagone possède également la qualité de mêler des éléments autobiographiques à des analyses plus larges. Consacré à l’identité noire en France, l’ouvrage de Maboula Soumahoro donne à entendre des voix trop rarement entendues.

Sister Outsider

essais et propos sur la poésie, l'érotisme, le racisme, le sexisme...

Publication:

Auteur(s): Audre Lorde

Éditeur(s): Mamamélis

Résumé :

Un souvenir revient dans les écrits d’Audre Lorde. C’est l’hiver à New York. Audre est dans le métro avec sa mère. Emmitouflée, elle est assise à côté d’une dame en manteau de fourrure. Elle regarde la dame, blanche, qui d’une main rageuse retire le pan de manteau qui effleure l’enfant. Une enfant Noire qui ne comprend pas et cherche désespérément un cafard, une poussière, bref une saleté justifiant ce geste. Quelque chose pour ne pas réaliser que la saleté… c’est elle. Ensuite, le regard rageur de la dame blanche qui tue l’enfant Noire de cinq ans parce qu’elle ne peut pas le nommer : le regard du racisme. Un souvenir vrillé en elle, plus qu’une douleur, une souffrance indélébile qui permet à la poète adulte d’affirmer qu’au fond, en Amérique, on ne veut pas que les Noir-e-s vivent. Audre a vécu, survécu, pour nous dire son « amérique », ses passions, ses colères, dans une série d’écrits lumineux.

L’avis du bibliothécaire

Audre Lorde était une essayiste et poétesse américaine, militante lesbienne et féministe, qui a parfaitement sa place dans cette liste. Sister outsider est un recueil de textes (publié en français sous ce titre en anglais) mêlant perspectives politiques et questions personnelles, sur le patriarcat, la nécessité de trouver sa voix, la silenciation des minorités, avec un style absolument génial.

Peau

Publication:

Auteur(s): Dorothy Allison

Éditeur(s): Balland

Traducteur(s): Camille Olivier, Nicolas Milon

Résumé :

Activiste féministe lesbienne radicale depuis les années 1970, Dorothy Allison a connu le succès avec ses romans (L’Histoire de Bone, Retour à Cayro). En 1994, elle publie Peau, un recueil d’essais. Elle y parle de son enfance, d’inceste, de lesbophobie. Elle raconte son engagement féministe, sa sexualité, les « Sex Wars » des années 1980. Elle partage ses réflexions sur la littérature : comment écrire l’extrême misère sociale, comment écrire sur le sexe ? Un livre tout à la fois intime, décapant et profondément politique, réédité avec sept textes inédits en français.

L’avis du bibliothécaire

Une autre pépite, réédité récemment dans la collection Sorcières. Dorothy Allison est mieux connue pour ses romans (tels que la géniale Histoire de Bone). Peau est là encore un recueil d’essais, s’appuyant largement sur le parcours d’Allison. Les sujets ne sont pas légers : son enfance dans une famille pauvre, l’inceste, la lesbophobie, ses engagements féministes… Mais là encore, les textes qui composent ce volume sont d’une grande profondeur et servis par une écriture brillante.

Avant que j’oublie

Publication:

Auteur(s): Anne Pauly

Éditeur(s): Verdier

Résumé :

Il y a d’un côté le colosse unijambiste et alcoolique, et tout ce qui va avec : violence conjugale, comportement irrationnel, tragicomédie du quotidien, un « gros déglingo », dit sa fille, un vrai punk avant l’heure. Il y a de l’autre le lecteur autodidacte de spiritualité orientale, à la sensibilité artistique empêchée, déposant chaque soir un tendre baiser sur le portrait pixellisé de feue son épouse ; mon père, dit sa fille, qu’elle seule semble voir sous les apparences du premier. Il y a enfin une maison, à Carrières-sous-Poissy et un monde anciennement rural et ouvrier. De cette maison, il va bien falloir faire quelque chose à la mort de ce père Janus, colosse fragile à double face. Capharnaüm invraisemblable, caverne d’Ali-Baba, la maison délabrée devient un réseau infini de signes et de souvenirs pour sa fille qui décide de trier méthodiquement ses affaires. Que disent d’un père ces recueils de haïkus, auxquels des feuilles d’érable ou de papier hygiénique font office de marque-page ? Même elle, sa fille, la narratrice, peine à déceler une cohérence dans ce chaos. Et puis, un jour, comme venue du passé, et parlant d’outre-tombe, une lettre arrive, qui dit toute la vérité sur ce père aimé auquel, malgré la distance sociale, sa fille ressemble tant.

L’avis du bibliothécaire

Le livre d’Anne Pauly a rencontré un grand succès public (et a reçu notamment le prix du livre Inter), amplement mérité. Sous la forme d’une autofiction, Anne Pauly revient sur le parcours de son père, tout en demi-teinte, jusqu’à sa disparition et ses conséquences. Elle pose mille questions pertinentes sur ce qui constitue une famille, les raisons qui nous poussent à aimer des personnes dont certains traits sont pour le moins problématiques… avec beaucoup de finesse et un peu d’humour qui ne fera pas de mal après ces lectures bien sérieuses.

Film, roman, BD, série... Nous sommes là pour vous aider à choisir.

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