Comportement : Pourquoi la majorité d’entre nous rit-elle lorsque quelqu’un d’autre chute ?

Médiathèques de Strasbourg – notre réponse du 19/05/2021.

Dessin d'une personne qui glisse sur une peau de banane
© Bomg11 / DepositPhotos

Les chutes et les situations burlesques suscitent l’hilarité chez la majorité de la population.
Quelles sont les mécanismes à l’origine de ce comportement ? Y aurait-il des explications scientifiques sous-jacentes ?

Explications du rire face à des chutes de personnes

Les chutes et autres situations imprévisibles provoquent souvent le ricanement parmi les spectateurs de ces scènes. Notamment lorsque celles-ci sont filmées et diffusées sur YouTube. Ainsi les vidéos d’enfants qui tombent rencontrent un grand succès sur cette plateforme et démontrent ainsi l’attrait de ce type de ressort comique. Les raisons de ce phénomène : toutes situations impliquant des personnes surprises par les aléas de la vie alors que quelques secondes auparavant tout était maîtrisée.

L’article : Ne vous sentez pas coupable de rire devant les vidéos d’enfants qui tombent par Nadia Daam, slate.fr, 14/03/2014, indique également qu’on rit par empathie.
Lors de la chute d’une personne, on rit car nous sommes soulagés de ne pas être à la place de la personne qui est tombée et qui a provoqué le rire.

Le philosophe Henri Bergson, cité dans l’article, auteur de l’ouvrage « Le Rire : essai sur la signification du comique » déclare que « le rire suscité par une personne qui chute dans la rue est provoqué par la maladresse elle-même. C’est le fait que la situation, les éléments échappent totalement au protagoniste qui fait rire. On rit de la distraction du corps. »

Des chercheurs italiens et américains se sont penchés sur la question du rire lors de situations burlesques telle qu’une chute. Ils sont arrivés à la même conclusion : l’incongruité de l’événement est la principale cause du déclenchement du rire.
Source :
Lorsque quelqu’un fait devant nous une chute sans gravité, il nous arrive souvent de rire. Pourquoi ?
Why do we find it funny when some­one falls down ? William B. Keith, Scientific American, 2008.

Autre explication : ce serait l’expression du visage de la personne qui provoque le rire, plus que la chute elle-même.
Pourquoi rions-nous quand quelqu’un tombe ou trébuche ? par Andrea Ostojic, psychologie.com, le 14/08/2020.
Extrait :

« Les photos montrant des personnes qui avaient un air ahuri ont été jugées plus drôles que celles où les personnes avaient l’air de souffrir ou d’être en colère, et plus drôles aussi que les photos sur les­quelles l’expression du visage n’était pas visible. Les données recueil­lies par électroencéphalographie semblent confirmer que c’est bien l’expression du visage sur les photos qui déclenche une sensation d’amusement. »


Le site d’information atlantico.fr propose un article sur Henri Bergson et son travail sur le rire.
Pourquoi voir quelqu’un tomber nous fait-il autant rire ? par Raphaël Ehrsam, atlantico.fr, le 28/02/2015.
Extrait :
« Quand le rire est bergsonien, donc moqueur, il révèle exactement qui l’on est et où on se place et qui nous estimons être déviant. Des personnes vont rire aux blagues antisémites, ce qui va donner une indication sur qui ils sont, et d’autres vont préférer rire en voyant  « Rabbi Jacob » en se moquant du préjugé. Les deux rires sont bergsoniens, mais dans le second cas on rit du préjugé tourné en dérision, dans le premier on jouit du préjugé. C’est très différent. »


Définition du rire

La définition du terme « rire » d’après le dictionnaire Larousse « Manifester une gaieté soudaine par l’expression du visage et par certains mouvements de la bouche et des muscles faciaux, accompagnés d’expiration plus ou moins saccadées et bruyantes ».

« Quand un événement inattendu se produit et qu’on ne sait pas très bien comment réagir, on se met souvent à rire involontairement. Il s’agit là d’une réaction singulière, car c’est en fait la dernière chose à faire quand quelqu’un se fait mal. En outre, ce genre de rire est extrêmement contagieux. » précise l’article de l’hebdomadaire belge « Le VIF ».


À réécouter : Podcast sur le rire

Histoire du rire par Xavier Mauduit dans l’émission Le cours de l’histoire, France Culture, du 29/03 au 01/04/2021.
« Le rire est universel. Pourtant, loin d’être un acte anodin, il est riche de sens : ses codes et ses pratiques évoluent dans l’histoire au gré des mœurs et des ancrages culturels. Existe-t-il un rire à la française ? Les blagues de nos ancêtres nous font-elles encore rire ? »


Pour aller plus loin…

Sélection d’ouvrages sur le thème du rire 

Le rire inextinguible des dieux de Bernard Baas, Paris : Vrin, 2001.
Résumé :
« Étude sur le rire, son aspect transgressif et sur ce qu’il révèle de l’esprit humain, depuis la critique par Platon de l’évocation par Homère du rire inextinguible des dieux. »

Le rire de Henri Bergson, Paris : Presses universitaires de France, 1992.
Résumé :
« Pourquoi rions-nous de voir quelqu’un trébucher ? Pour quelles raisons Molière continue-t-il de nous amuser ? Comment expliquer qu’un jeu de mots ou un trait d’esprit prêtent à sourire ? Dans Le Rire, qu’il publie en 1900, Bergson apporte à ces questions des réponses décisives. S’appuyant sur des exemples quotidiens et de nombreuses références littéraires, il décrypte les formes du comique pour y déceler un ressort commun : l' »interférence de deux séries », c’est-à-dire la présence simultanée de deux éléments distincts ou incompatibles. Au passage, il ne manque pas d’analyser le rôle social ambivalent d’un réflexe qui tout à la fois manifeste l’élan vital et brime les comportements hors normes. »

Sociologie du rire comme réalisation pratique interactionnelle d’Andrea Spreafico, Maria Alessandra Molè, Paris : l’Harmattan, 2020.
Résumé :
« Le rire est un sujet à l’intérêt remarquable, car il intervient de façon méthodique en favorisant ou en entravant la production d’un ordre social plus ample, c’est-à-dire la dimension qui se trouve depuis toujours au cœur du travail scientifique de la sociologie, comme cet ouvrage le montre. »


Eurêkoi – Médiathèques de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg