Bibliothèque de l’Institut du monde arabe – notre réponse du 12/01/2021
Les « voyages de Sindbâd le Marin » sont un recueil de récits de voyages qui existaient et étaient diffusés à l’origine de manière autonome, avant de devenir une section intégrée du Livre des Mille et une nuits (précisément les nuits 69 à 90) depuis leur adaptation en français par Antoine Galland en 1704-1706. C’est donc une incorporation secondaire et relativement tardive au récit-cadre des Mille et Une Nuits dans lequel ce cycle de récits se trouve enchâssé.
Lors de ces sept voyages, Sindbad traversera autant de parcours initiatiques et philosophiques.
En voyageant, via diverses expériences, il découvrira le monde, l’argent, l’amitié. Il se forgera son propre système de valeurs.
Histoire et structure du texte
Le cycle se compose de sept voyages dont la trame suit un schéma narratif plus ou moins invariable : Sindbâd est victime d’une tempête ou d’une agression, fait naufrage et perd toutes ses marchandises ; mais toujours, après avoir vécu nombre d’aventures, le sort tourne en sa faveur, et il revient à Bagdad beaucoup plus riche qu’il n’était parti.
Le principe d’organisation du récit
Sur le plan formel, chaque voyage est donc construit sur une structure globale divisée en séquences qui se répètent plus ou moins :
–une situation initiale : préambule avec une situation de départ stable, normale (début d’un voyage qui se voudrait sans histoire)
–un élément perturbateur : intervention d’un élément de rupture qui vient créer un déséquilibre et déclenche véritablement la narration
–le corps du récit : lui-même décomposable en plusieurs sous-séquences, en de multiples aventures et péripéties du héros.
–situation finale : dénouement et résolution du problème, généralement par intervention d’un élément merveilleux ; retour à la maison.
Une « progression dans le merveilleux »
On parle de « structures narratives récurrentes ».
L’importance de la répétition dans l’organisation du récit est telle que André Miquel, l’un des grands spécialistes des Mille et Une Nuits, en vient à se poser la question : « s’agit-il de six voyages [le septième, voyage du retour, étant à part], ou du même six fois reproduit » ?
Pour André Miquel, en effet, le véritable principe d’organisation du récit réside non pas dans un découpage en sept voyages consistant à aller de plus en plus loin, mais dans une « progression dans le merveilleux » à travers « l’expérience, chaque fois renouvelée, du même voyage » (en faisant un voyage « de plus en plus merveilleux », avec « des épreuves de plus en plus sévères »).
À la différence d’un récit comme celui de l’Odyssée, où le héros Ulysse vogue chaque fois d’un lieu nouveau à un autre, chaque voyage de Sindbâd se termine par un retour à la maison, d’où il repart pour un second voyage. En ce sens, on peut aussi parler d’une construction « circulaire » dans l’organisation du récit.
À (ré)écouter
Genèse des Mille et une nuits dans l’émission Cultures d’islam par Abdelwahab Meddeb, France Culture, le 20/04/2012.
Extrait :
Cet ensemble de contes est l’ouvrage le plus célèbre et le plus universel de la littérature arabe.
Pourtant sa genèse et sa formation continuent de poser beaucoup de questions : quand l’œuvre a-t-elle été composée ?
Quel est le corpus véritable des contes ? Quelle en est la référence textuelle ? Est-ce un livre tout à fait original ou illustre-t-il un genre littéraire ?
Quelques pistes pour aller plus loin
Sindbad de la mer et autres contes
Trad. par Jamel Eddine Bencheikh et André Miquel, Gallimard, 2001.
Disponible à la Bibliothèque de l’IMA
Sept contes des Mille et une nuits ou Il n’ y a pas de contes innocents André Miquel, Sindbad, 1981.
Disponible à la Bibliothèque de l’IMA
Le Thème du voyage dans Les Mille et Une Nuits du Maghreb à la Chine
Jean- Louis Laveille, Ed. L’Harmattan, 1998.
Disponible à la bibliothèque de l’IMA
Eurêkoi – Bibliothèque de l’Institut du monde arabe